1 - AGENCE BOUTIN. L.D.S. à Céline.
Dinard, 4 mars 1958. 1 page in-4, papier à
en-tête imprimé au nom de l'agence
immobilière. Comme suite à la correspondance
précédemment échangée entre nous
en vue de l'acquisition éventuelle d'une villa dans
notre station, je me permets de vous signaler que l'on vient
de me donner à vendre une bonne villa jouissant d'une
très belle vue sur la Baie du Prieuré. Le
couple Destouches envisageait d'acheter un
pied-à-terre en Bretagne. Sont joints, une page
dactylographiée (description de la villa) et un plan
imprimé en couleurs de Dinard. est : 91 / 122
Résultat
: 50 €
( 327,FRF
)
2 - ALMANSOR (J.). L.A.S. à
Daragnès. Paris, 20 juillet 1950. 1 page in-8. Le
père de Lucette Destouches. est : 61 / 76
Résultat :
50 € ( 327,FRF
)
3 - BONABEL. L.A.S. à Céline. S.l.
(Paris), 1er août 1949. 5 pp. et demie in-8. : " Je
vous ai adressé jeudi dernier un colis contenant la
totalité des disques que vous m'avez
demandé
Je crains que vous n'ayez quelques
frais de douane à acquitter mais ce n'est pas
possible de l'éviter en passant par un organisme
officiel de transit." Cet ami de
Céline était disquaire à Clichy.
est : 61 / 76
Résultat
: 80 € ( 524,FRF
)
4 - BONNY (Luis Pablo). L.A.S. à
Céline. Buenos Aires, 1er janvier 1961. 2 pp.
in-4. J'ai tout collectionné de ce qui te concerne.
Vraiment, tu continues à les obséder, à
les fasciner. Même ici, dans notre presse
misérable, il n'est pas une page littéraire
où ton nom ne figure comme un flambeau, comme un
jalon de notre siècle. Bonny et sa femme,
réfugiés en Argentine, rencontrèrent le
couple Destouches à Sigmaringen en 1945. est : 91 /
122
5 - BORDAS (Dr. L.). L.A.S. à
Céline. Égletons, 12 août 1954. 3
pp. in-4, papier à en-tête imprimé de la
Faculté des Sciences de Rennes et timbre humide
à son nom. J'ai toujours conservé d'affectueux
liens avec mes anciens élèves
mais j'ai
toujours gardé de vous le souvenir d'un disciple
particulièrement doué, d'une nature franche,
et, dés cette époque, particulièrement
originale par vos conceptions non conformistes. Je vous vois
encore venant dans mon cabinet me demander des conseils pour
vos publications à l'Académie des Sciences. Il
fut un des professeurs de Céline pendant ses
études de médecine à Rennes entre 1919
et 1922. Il reprit contact avec l'écrivain par
l'intermédiaire de Madeleine Léger, signataire
d'un article sur Céline dans la revue Semaine du
Monde. Trois pièces du docteur Bordas sont jointes :
la copie d'une lettre datée du 27 juillet 1954 et
envoyée au directeur de Semaine du Monde, sa carte de
visite et sa photo au dos de laquelle s'étale un
envoi À mon cher élève et ami, le
docteur L.-F. Destouches, hommage bien affectueux de son
vieux maître. est : 76 / 91
Résultat
: 200 € (1.311,FRF
)
6 - CANAVAGGIA (Marie). 2 L.A.S. à
Daragnès. Limoges, 11 et 14 août 1948. 1 page
in-8 et 2 pp. in-4. Amie et secrétaire de
Céline, c'est à elle que fut confié le
soin de relire les épreuves de Foudres et
Flèches. Une petite tache d'encre. est : 76 / 91
Résultat
: 130 € ( 852,FRF
)
7 - CÉLINE (Louis-Ferdinand).
Télégramme adressé à Lucette
Destouches c/o Jensen, Kronprinsessegade 8/5. Copenhague, 26
février 1947. 1 feuillet in-12 oblong. Texte
dactylographié. Suis Rigshospitalet Administrationens
Kandidatgang tu peu[x] venir toute heure
journée matin et soir Louis. : Pendant sa
captivité dans la prison Vestre Faengsel,
Céline fut admis deux fois dans un hôpital. La
seconde fois, le 26 fév. 1947, il entra au
Rigshospital (l'hôpital national de Copenhague)
où il resta jusqu'à sa libération le 24
juin 1947. est : 122 / 152
Résultat :
150 € ( 984,FRF )
8 - CÉLINE (Louis-Ferdinand).
RÉPONSE aux accusations formulées contre moi
par la Justice française au titre de trahison et
reproduites par la Police Judiciaire danoise au cours de mes
interrogatoires. Copenhague , 6 novembre 1946. 10 pp. in-4.
Copie dactylographiée avec, à la fin, sa
signature autographe LFCeline et trois ou quatre corrections
de sa main. Céline répond point par point aux
accusations portées contre lui par la Justice
française. est : 762 / 915
Résultat :
500 € ( 3.280,FRF )
9 - CÉLINE (Louis-Ferdinand) et
TIXIER-VIGNANCOUR (J.-L.). RÉPONSE aux
accusations formulées contre moi par la Justice
française au titre de trahison et reproduites par la
Police Judiciaire danoise au cours de mes interrogatoires.
Copenhague , 6 novembre 1946. 10 pp. in-4. Copie
dactylographiée avec, à la fin, sa signature
autographe LCF. Ce document est annoté et
corrigé à la mine de plomb, certaines phrases
ou groupes de mots sont barrés au crayon rouge et la
mention ital (pour caractères en italiques) est
portée dans la marge en face de chaque tête de
paragraphe. Toutes ces interventions sont vraisemblablement
de la main de l'avocat Jean-Louis Tixier-Vignancour au
moment où il a pris connaissance du dossier
Céline en 1948. Une petite mouillure à qqs
feuillets, petites déchirures dans les pliures et
deux ou trois petits mques de papier. est : 762 / 915
Résultat
: 1.200 € ( 7.871,FRF
)
10 - CÉLINE (Louis-Ferdinand). PAPIER
vierge à en-tête imprimé au nom du Dr.
L.-F. Destouches. 7 feuillets in-8. Le papier que
Céline utilisait pour ses ordonnances ou pour
écrire. est : 152 / 183
Résultat
: 650 € ( 4.263,FRF
)
11 - CÉLINE
(Louis-Ferdinand). Réunion de 35 lettres à son
ami Jean-Gabriel DARAGNÈS ( juillet 1950),
peintre, graveur et imprimeur, qu'il appelle Mon cher Vieux
et dont il fit la connaissance dans les années
1934-36 à Montmartre. Ces lettres
inédites, écrites entre 1948 et 1950,
appartiennent à la période pendant laquelle
Céline se trouve en exil au Danemark, après
avoir passé plusieurs mois en prison à
Copenhague, en réponse à la demande
d'arrestation et d'extradition de la légation
française. Libéré en juin 1947, il
déménage avec sa femme en mai 1948 à
Klarskovgaard, la propriété au bord de la
Baltique de son avocat danois, Thorvald Mikkelsen, ancien
résistant et juriste francophile, souvent
appelé Mik dans ses lettres, qu'il rencontra pour la
première fois en mai 1945. C'est dans une
chaumière inconfortable de ce nouvel endroit qu'il va
désormais habiter, jusqu'à la remise,
après son amnistie en avril 1951, de son passeport
qui lui permet de revenir en France en juillet 1951.
Toutes ces lettres sont
écrites à l'encre bleue, sauf deux qui sont au
stylo bille. Qqs traces de rouille laissées par des
trombones et qqs soulignures au crayon rouge.
est
:
22 867 / 27 441
Résultat
: 35.000 € ( 229.584, FRF
)
(Klarskovgaard) le 13 (printemps
1948)
L.A.S. de ses initiales
LFC. 3 pp. et demie grand in-4. Il est poursuivi et
bafoué "J'ai appris à travers les mots de
Mik que les avocats étaient toujours aussi jean
foutre et les chacals toujours aussi acharnés
à mes trousses. Mais attention ! Je ne marche plus
dans la posture du traître. Je suis un patriote
ignoblement persécuté, c'est tout. Qu'on se le
dise ! Il n'attend plus rien de ses livres
édités en France Rien bien sûr d'aucun
éditeur. Je sens que je vais au terme de tous ces
babillages être condamné à
l'indignité à vie et saisie de tous mes biens
présents et à venir. Donc finish
l'édition en France". (Klarskovgaard)
(printemps 1948). L.A.S. de
ses initiales LFC. 4 pp. et demie grand in-4.
Lettre incomplète. Il ne
veut pas rentrer en France de manière
inconsidérée." Tu veux dire que je
rentrerai me livrer lorsqu'on jugera Thorez pour son crime
(celui-là non douteux), de désertion à
l'ennemi en temps de guerre. Je respecte la Justice mais la
Justice sans exception. La Justice la même pour tous.
Très entre nous, le Procureur Général
du Danemark, consulté par Mik, lui a fait
connaître que ce serait folie de ma part d'aller me
livrer . Se faire rééditer. Non, de
tout ce verbiage, seul est sérieux ma
réédition à l'étranger sous
protection des lois étrangères et monnaie
étrangère. La France ne pense qu'à
m'éventrer. La Voilier ne pense qu'à me voler
ou me raconter des bêtises. Toute cette chacalerie au
Diable ! Chacun voit midi à sa porte. Je ne suis
qu'un ouvrier. Je vais porter mon travail où on le
paye recta. C'est simple, c'est tout."
(Klarskovgaard) le Dimanche
(automne 1948). L.A.S. LF
Celine et Lucette. 5 pp. grand in-4. Les
éditions Denoël le contrarient ( en lui refusant
d'être délié de son contrat ) : "Ce
reniflage des chacals finit par nous rendre fou. Cette
Voilier [ Jeanne Loviton, dite Jean Voilier, ancienne
compagne de Robert Denoël et nouvelle directrice des
éditions Denoël ] tu comprends,
m'empêche de me rétablir en Belgique en
éditions [pour éviter les menaces de
saisie et de confiscation], par son culot, sa
canaillerie. Et il le faudrait pour commencer à
rendre un peu d'argent à Mik. C'est vital. Cette
pétasse m'étrangle. Elle effraye bien
sûr tous les éditeurs possibles. Elle ne fait
rien, elle n'a rien fait et elle me paralyse. Bien sûr
que je vais être condamné, alors éditer
en France est idiot. il faut donc les contrecarrer. Un jeune
dessinateur qui est venu me voir ici Pierre Monnier, 41 rue
Lecourbe, veut me faire réimprimer en Belgique par un
de ses amis jeune éditeur
Attendons
Jonquières [ Charles de Jonquières, futur
éditeur de Foudres et Flèches en déc.
1948 ] à l'uvre ! Il fera évident
faire procès à la Voilier ou que la Voilier
intente procès ! Il faut en sortir. Il faut qu'un
éditeur se charge de ce procès. Mais il me
semble qu'en m'éditant en Belgique à mon nom,
elle aurait la partie difficile Elle ne m'édite plus
depuis 5 ans ( malgré avertissement et lettre de
rupture ). Je m'édite et alors ? Je suis dans
l'impossibilité de m'éditer en France
Il
se place dans la lignée d'autres auteurs Il n'est pas
question que j'aille me refoutre à la merci des
tortionnaires. Sottise ! Tu n'as jamais vu un
évadé, fugitif, ou condamné politique
revenir se faire juger ! Ni Vallès, ni Victor Hugo,
ni Daudet, ni Béranger
aucun
précédent ! Il termine avec une petit note
acide à l'encontre du peintre Gen Paul Popol a bien
de la chance, des loisirs et de l'argent. Il peut encore se
payer des désespoirs d'amour. Il ne lui manque plus
qu'un tour à Venise. C'est le dernier grand bourgeois
riche ! le dernier G.B.R. !
(Klarskovgaard) le 15 (automne
1948). L.A.S. de ses
initiales LFC. 9 pp. et 3 lignes grand in-4. ( Les
coulisses de la signature d'un contrat : Daragnès
servit d'intermédiaire entre Céline et
l'éditeur Charles de Jonquières qui fit
paraître Foudres et Flèches fin déc.
1948 ). Il précise certaines modalités : "
Ci-joint le contrat rectifié de ce Jonquières.
Je ne veux rien signer de Paris où je suis hors la
loi et où je dois 600.000 frcs au fisc ! Cette bonne
blague !
Les 100.000 francs d'acompte en francs
français à toi, à Paris, le reste
à un compte en Suisse que je lui signalerai au nom de
Lucette
Qu'ai-je à foutre de publicité
hélas ! Denoël n'en a jamais
dépensé un sou
Allons voilà un
petit plaisantin. Mets le au pas. S'il n'est pas content !
Qu'il vogue ! Pour son procès, il attend, de la part
de ses avocats, du sérieux et du concret mais. Tous
les intermédiaires sont des menteurs et des
chicaniers. Je ne suis coupable de rien. J'en ai marre.
C'est moi l'accusateur et non l'accusé. Trop
patriote. Trop dévoué, trop loyal. Dois-je
m'excuser d'avoir tout perdu ? À l'heure actuelle, si
Hitler avait gagné, tout le monde (et surtout mes
accusateurs) serait bien avec lui, sauf moi ! Voilà
la vérité. On profite de sa situation Paraz va
payer son sana avec mes lettres qu'il publie sans mon
autorisation c'est le Gala des vaches
[qui parut en nov. 1948 et qui
comprenait certaines de ses lettres].
Ça va avec Yvon Morandat
[Compagnon de la
Libération qui occupa son appartement
parisien], mes lois, la Voilier, mes banques,
l'article 75. La curée
Ils se jettent sur tous
mes biens, papiers
Ils me bouffent ma merde et
goulûment ! Il donne des recommandations à son
ami Pour le contrat, tu discuteras le mieux possible
Mais n'engage rien pour l'avenir. Rogne les ongles de ce
petit larron au possible Je lui ai fait les mêmes
conditions, exactement, qu'à Denoël."
(Klarskovgaard) le Sam(edi)
(printemps 1949). L.A.S. de
ses initiales LFC. 4 pages et 2 lignes grand in-4.
Après des aspects pécuniaires, il reprend son
projet d'aller en Espagne : " J'ai lancé Joulou
[Antonio Zuloaga, attaché de presse à
l'ambassade d'Espagne à Paris] sur les officiels
de Madrid qu'ils rencardent leur Légation ici. Mais
demeurent deux hics le passeport des Danois pour foutre le
camp et les moyens d'existence là-bas ? L'imbroglio
de son procès le hante Je n'augure rien de bon de ce
tric trac marre
Quant à l'amnistie ! sauf une
nouvelle guerre mais il continue de travailler J'ai
écrit une Préface pour la
rééditon du Voyage
et il termine en
évoquant, sur le mode sarcastique, deux de ses amis
Geoffroy [Georges
Geoffroy, ancien employé au consulat de France
à Londres] est tout à l'amour.
Il a retrouvé son Hélène ! Son
cur chante. Il est donc moins con que Popol en
dépit des apparences. Popol
[le peintre Gen
Paul] n'a que sa barbouille tandis que
Geoffroy a une cassette de rubis ! Mon ami ! Les rubis font
drôlement revenir les volages ! tandis que la
barbouille ! Ça se discute ! Qui discute un rubis
? ".
(Klarskovgaard) (printemps
1949). L.A.S. de ses
initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Lettre
incomplète. Il n'a pas de nouvelle de
l'édition américaine de Guignol's band chez
James Laughlin : "Pas trop de vacarme ! Non plus de
Guignols ! À propos du manuscrit de Féerie
qu'il reprend sans cesse. Si j'achève Féerie
ça sera le bout du monde ! Ça suffira !
C'est pénible et douloureux. il lance ce qu'il pense
de l'écriture. J'ai toujours trouvé
écrire ridicule, grotesque. Le mec accroupi en
position de chiot qui se tate la tronche d'où sort
ses chères pensées comme du fiel de citron !
Pouah ! Que c'est vaniteux et dégoûtant ! J'ai
peut-être un petit don mais sûrement pas la
vocation Mon rêve était de soigner les
diarrhées infantiles. Shakespeare prétend que
nous sommes faits de la même étoffe que nos
rêves Les miens n'étaient sûrement pas
d'écrire des rooomaaans ! Trucs de gonzesses ! Enfin,
c'est le pain."
(Klarskovgaard) le 12 (printemps
1949). L.A.S. de ses
initiales LFC. 9 pp. grand in-4 et 1 page in-8. Il
rend compte de la bonne humeur de son avocat danois : "
Mik est revenu dans l'état d'enthousiasme habituel
après ses visites à Paris, et surtout tes
réceptions ! Il est pote et fier d'être pote.
Heureux aux anges de connaître Marteau
[l'industriel Paul Marteau]
Pour lui permettre de contourner son statut
d'exilé et d'améliorer ses revenus par la
vente de ses livres, il explique à son ami le montage
financier dont il doit être le
bénéficiaire Frémanger montera chez Mik
une maison d'édition danoise pour la forme. Mon
contrat avec lui sera signé de Copenhague. Il
imprimera mes livres en France et les refilera en clandestin
aux grossistes. Il prévoit de me payer mes droits
d'auteur par mensualités. Ces mensualités
seront soi-disant touchées à Paris par Lucie
Georgette Almansor [son
épouse] en francs français. Il
préparera les reçus avec les quittances, les
timbres de quittance français, Lucette les signera
ici ou les lui enverra et il ferait alors te porter chez toi
ces sommes (qu'il aura déjà changées en
francs suisses ou dollars). Oh pas lourd ! et pas plus
j'imagine de 3 ou 4 mensualités ! alors je te
demanderais de faire virer une partie de ces sommes sur le
compte de Lucette en Suisse, l'autre part à remettre
à Mik lorsqu'il passera par Paris. Bien sûr, il
n'y aura aucune trace de ces versements nulle part, si ce
n'est les reçus de Lucette signés ici et
envoyés directement à Frémanger. Ses
chances d'aller en Espagne sont minces L'Espagne, ah
là très délicat, Mik m'en a
parlé. Tu parles, si je suis décidé
à foutre le camp de ce frigidaire macabre ! de cette
quarantaine honteuse, malheureuse, imbécile mais il y
a plusieurs mais. Il faut que je trouve l'équivalent
et Mik, là-bas, une garantie. Je n'ai plus rien
à emporter plus un sou !.. Il y a aussi les
possibilités administratives. Ce n'est pas du
cinéma ! D'abord être admis d'avance en Espagne
avec garantie
Je suis toujours prisonnier sur parole.
Tel est mon statut. Mik gage toujours sur ce point. Or il
faut que les Danois deviennent les complices de ma rupture
de banc. Ce n'est pas impossible. Pour se débarrasser
d'un vieillard inutile, d'une situation merdeuse.
En Dernière minute, il fait
part d'un autre espoir d'édition :
"Je ne passe pas encore jugement sur
l'affaire Frémanger. Monnier est revenu de Copenhague
avec une combine peut-être viable
".
(Klarskovgaard) le 24 (printemps
1949). L.A. non
signée. 6 pp. grand in-4. Lettre
incomplète. Il espère une rentrée
loyale d'argent par une réédition du Voyage
chez Frémanger mais l'affaire Frémanger me
semble encore bien vaseuse, cafouilleuse puis il dresse la
liste des personnes auxquelles il écrit des lettres
qui pourraient devenir l'objet d'un commerce : " Tu as
raison pour mes lettres. Camus
[le docteur
Camus] est surtout furieux et n'avoir pu
gagner du pèze avec les miennes
J'écris
très peu finalement, à Marie
[Canavaggia]
pas, à Philippon
[René Philippon,
président du Syndicat des éditeurs]
du tout, quelques lettres d'insultes, 5 ou 6,
à Voilier [Jeanne
Loviton, dite Jean Voilier] qui me vole (et
alors), rien à Popol
[le peintre Gen
Paul], rien à Joulou
[Antonio Zuloaga],
en Belgique à un cul béni qui ne publiera
certainement rien (et rien d'original !). Il n'y a
guère matière à publications. Sauf
à inventer bien sûr ! "à la
manière de" (mais là je suis
désarmé). Il y a aussi ma défense mais
justement personne ne la publie ! Quelques lettres à
Naud et Tixier [Albert Naud et Jean-Louis
Tixier-Vignancour, [ses deux
avovats en France], oh bien édifiantes.
et il explique ce qu'il écrit D'ailleurs tout ce que
j'écris est toujours hautement édifiant. Ce ne
sont jamais que les révoltes d'un homme qui souffre
d'être persécuté par des lâches et
des menteurs et d'un ouvrier à qui on s'acharne
à voler son travail et à faire crever de faim.
Paraz avait les plus corsées. Il en a fait de
l'argent [la parution du Gala
des vaches en nov. 1948] C'est tout. Il ne
recommencera pas et pour cause ! Il devrait tout accepter
alors qu'il est une victime Ce qui fait hurler le plus, tu
vois, c'est que je me défende. Il ne faut pas que je
me défende. Il faut même que j'acquiesce. Il ne
m'est jamais permis de dire que Ah vous avez bien raison !
Un mot de plus amène des cyclones ! "
(Klarskovgaard) le 4 Dimanche
(printemps 1949). L.A.S. de
ses initiales LFC. 1 page grand in-4. Il charge son
ami de faire le caissier : " Tu as assez en caisse pour
te payer ? Je te demande de donner 20.000 fr à
Monnier pour lui et 10.000 francs à Marie
[Canavaggia, sa secrétaire et amie].
Le reste restera en compte chez toi.".
(Klarskovgaard) le 3 (printemps
ou été 1949). L.A.S. de ses
initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Il se sent poursuivi par la
vindicte publique: " Tout n'est pas dit loin de là
le journal Libération me réclame au poteau et
sur quel ton. Le Ministère de l'Intérieur
pourrait le faire taire évidemment. Ils ont mille
moyens mais le veulent-ils ? ce qui le rend pessimiste mais
lucide Oh tu sais, il n'est question du tout de rentrer. Ce
serait démence. On peut le laisser penser bien
sûr
ma suprême chance ! Chambre civique,
que j'aie l'air d'y cavaler. Qu'ils se croient aussi
astucieux
Spéculation de ma nostalgie
furieuse
je leur pisse au cul ! Mais laisse les penser
"Si on le passe en Cour, il ne viendra pas. En Chambre
Civique, il se laissera séduire". L'ambassade ici
n'est avertie de rien du tout. Ce sont des manuvres du
Parquet, c'est tout. Des airs de sirènes
"
Puis le ton s'enfle " Oh
l'Ivrogne [le peintre Henri
Mahé] n'est pas si dément qu'il
en a l'air. Il est lâche et méchant et jaloux,
surtout
Ce diable veut le mal pour se venger de
vieillir, d'être cocu, de n'être pas assez
riche, de n'être point reconnu grand peintre. Mille
lunes qu'il trempe dans l'alcool.".
(Klarskovgaard) le
Ven[dredi] (été 1949)
L.A.S. de ses initiales LFC. 8
pp. grand in-4. Après avoir épinglé la
critique du couple Sartre-Beauvoir : " Cette histoire
Beauvoir Sartre Guignol's est une autre infamie totale
Tu me vois prétendant que les Alemands m'ont faire
écrire Guignol's. C'est sombrement idiot au surplus.
Crétin à bramer !
Quand à Sartre,
ses accusations noir sur blanc suffisent. C'est un valet de
police, un rabatteur, une immondice et rapporté une
rumeur un journaliste danois est revenu de Copenhague avec
une grande nouvelle. J'avais livré aux Allemands les
secrets de la ligne Maginot
l'on croira que j'ai aussi
livré le Pas de Calais, la Tour Eiffel et la Rade de
Toulon. Quand on veut tuer son chien il pèse ses
chances de quitter le Danemark pour aller en Suisse ou en
Espagne Quitter le Danemark. Oh c'est bien chanceux
on
verra
Oh pas le choix : Suisse ou Espagne,
j'hésite bien. La Suisse est certainement moins
compromettante et francophone mais ce sont des permis de 3
mois en 3 mois. Si on me l'accorde !
Si
Frémanger
[l'éditeur Charles
Frémanger qui vient de rééditer Voyage
au bout de la nuit] se remontait, que les
mensualités tombent à peu près, la
question du transbordement serait beaucoup plus assurable.
J'arriverais pas en cloche, soit en Suisse, soit chez
Franco. Lucette pourrait même travailler en Espagne.
Je crois que Julu [Antonio
Zuloaga] nous trouverait tout de même un
petit local où demeurer."
Puis il exprime sa gratitude à
l'égard de son avocat danois : " J'ai une
dette de reconnaissance totale envers Mik et je ne suis pas
homme à badiner en ces matières. Il nous a
sauvé la vie, mais la maigre pitance et notre
misérable traintrain n'est à la charge de
personne. C'est de mon sang et de ma tête. Tu devais
te douter de tout ceci. C'est un absolu secret entre nous
deux. Un mot ce serait la catastrophe. Seulement bien
sûr tout s'épuise, tout a son terme
et
Mik n'est pas éternel. Il faut
aviser". Suivent des informations
diverses : " l'industriel Paul Marteau a fait une
très grosse impression à Mik, la perte d'un
paquet de 6 kilos de café volé par le service
postal, une critique d'un livre d'André Warnod, livre
bien intéressant d'ailleurs, un peu trop de Jacob
à mon gré et de Picasso. La Butte a l'air
d'avoir été créée par eux.
".
(Klarskovgaard)
(été 1949)
L.A.S. de ses initiales
LFC. 5 pp. grand in-4. Lettre incomplète. Il
fait part de sa conduite vis-à-vis de ceux qui
peuvent le publier : " Mes revenus libraires ?
On
réfléchit, on va voir Frémanger
[Charles Frémanger qui
dirige les Éditions Jean Froissart]. Je
me suis montré très rigoureux parce que ces
jeunes gens sont entreprenants mais périlleux
Bien sûr j'en rabattrai. En pratique je suis
prêt à toutes les concessions mais si je le
leur avoue je ne toucherai pas un centime. Il faut les
protéger contre leurs propres emballements.
Après une vive critique des éditeurs, Quand il
s'agit de voler, mille bonnes raisons !
Ils pompent
tout il se propose de donner d'autres textes à
Frémanger qui a l'air plus honnête que les
autres car il faut qu'on se refasse du pèze
volé mais le reste ne le concerne pas. Je me fous
qu'ils trouvent ensuite des amateurs ou pas ! C'est leur
affaire d'épicerie ! Ça pleurniche toujours un
épicier et ça fait toujours fortune !
"
(Klarskovgaard) le 30
(été 1949).
L.A.S. LF Celine. 4 pp. grand
in-4. Denoël a porté plainte contre Charles
Frémanger qui vient de rééditer Voyage
au bout de la nuit en juin 1949, mais son procès est
son premier souci : " Certes cette histoire de plainte,
poursuite de Denoël, est trop dégueulasse et
ubutesque ! mais il faut tout de même que je perde des
heures à écrire au Juge d'Instruction ! Plus
grave est mon non-non-lieu
Je n'en démors pas.
Ou bien non lieu ou bien réponse écrite et
publiée à X exemplaires de ma condamnation,
MAUVAISES MANIÈRES, en
diverses langues dont la française, où je
reprendrai virgule, lettre par lettre, les termes de
l'accusation et de la condamnation, car il faudra bien enfin
mettre noir sur blanc cette monstruosité, le mensonge
français, MENSONGE raison
d'état. Il ne mérite aucune sanction
L'Indignité ne m'arrange pas du tout. Je connais des
milliers d'indignes en France mais pas moi.
Il éreinte son éditeur "
Le Frémanger un carambouille comme les
autres. Il s'est régalé et il va me jouer les
martyrs. C'est le scénario fastidieux qu'il me
présente tous au lieu de me payer ! "
Puis les protagonistes de son
procès " L'Ivrogne cocu va tourner
commissaire du Peuple, car il est rusé et matois et
vachement prévoyant derrière sa soi disant
ribote !
Tous ces Tixier et Naud et Cie me donnent des
renvois, des renvois très polis bien sûr ! Mais
vais-je prendre ces Guignols au sérieux ? Tu penses !
Ils sont bons pour ce qu'ils sont, utiles, mais à
surveiller et ne jamais suivre surtout ! "
(Klarskovgaard) le 10
(été 1949).
L.A.S. signée de ses initiales
LFC. 6 pages grand in-4. Son éditeur Charles
Frémanger l'indispose. : " Diable bien
sûr que Froissart a commencé à me
raconter ses salades de crise d'édition, etc
C'est la pleurnicherie avant l'aveu du vide ! On verra le 15
s'il se raccroche ! Tu as raison il est chétif."
Il dresse un portrait peu amène
de son défendeur danois : "Tu as mille fois
raison pour Mik. Tu parles, si on connaît son envers
et son endroit, mais il s'en fout. Il ment comme il respire,
c'est sa nature. Il brode, bonimente, enjolive et fout le
camp. Pas sérieux pour un poil de cul. Mais n'est-ce
pas, il nous sauve la mise et il était le seul maboul
à se risquer (oh très peu !) au moment
où la curée battait son plein. Alors rien
à dire, on connaît tous ses vices, il est
ignoble
" Pour revenir
à son procès : "Amnistie ? Hum on
verra. Je n'y crois guère, ni à
Nordlig [Raoul
Nordling, consul général de Suède
à Paris]. "Désenchanté,
je crois, de ne m'avoir trouvé ni nazi féroce,
ni bouffeur de Juifs." et inviter
son correspondant à le rejoindre " Si tu es
ivre de soleil tu pourras venir te dégriser par
ici."
(Klarskovgaard) le 12 (automne
1949). L.A.S. LouisFC.
2 pages grand in-4. Il parle d'un prochain
séjour discret de Mikkelsen à Paris et demande
à sa femme d'acheter 10 mètres de soierie pour
Lucette à peu près de la qualité du
bout d'étoffe, mais en bleu ciel ou rose, et aussi 10
mètres de tissu pour faire des serviettes
éponges, bien épais. : "Lucette n'a
littéralement plus rien à se mettre ! Voici 6
ans que nous vivons avec les mêms loques ! "
En post-scriptum : "
J'ai écrit à l'ivrogne pour connaître
ses réactions
Je me méfie de lui
à la veille du Procès."
(Klarskovgaard) le 14 (automne
1949). L.A.S. de ses
initiales LFC. 4 pp. grand in-4. Il donne quelques
détails de son quotidien : " Tu sais, ici on lave
nous-même les peignoirs, et le reste. Or, un peignoir
ici, ça met 15 jours à sécher au-dessus
du feu. D'où que, pour Lucette, il en faut bien 2, vu
qu'elle prend 2 bains par jour dans la Baltique, hiver comme
été, glace pas glace.
" Il se sent la cible de la
Justice et de l'opinion : " En somme, la grande
opération de la France, c'est de me faire crever au
poteau, en taule ou de faim, le tout sous des torrents de
calomnies, bien entendu
Tu sais, il y a une tradition.
L'Histoire de la persécution des écrivains est
une vieille histoire depuis Villon, à peu près
tous. Pas un seul n'est jamais revenu se faire juger par ces
tribunaux politiques de farces sadiques. Jamais. Donner
l'occasion à Tixier d'engueuler les juges à
travers mes os ? Jamais !
Ils me jouent tous du
bigniou en ce moment pour que je revienne à Paris,
m'avoir à leur portée. Alors ce cyclone de
presse ! Il est là, l'Hitlerisme ! "
Ses affaires de
réédition piétinent : "
Monnier [Pierre Monnier, qui
veut se faire éditeur pour l'aider] ne
m'a encore rien présenté de concret en fait de
réédition. Les Denoël ont profité
de cette publicité gratuite
(100 communiqués à
la Presse) pour fourguer plein de mes livres au
marché noir. " Il veut se
servir de la rumeur : " Laisse entendre partout
que je vais certainement revenir me faire juger. Laisse
entendre partout que je vais certainement revenir me faire
juger. Laisse ces canailles me délivrer un Passeport
! Après on verra ! "
(Klarskovgaard) le 24 (novembre
1949). L.A.S. de ses
initiales LFC. 2 pp. et 4 lignes grand in-4.
Il est renvoyé en cours de
Justice ( L'instruction achevée, le
réquisitoire du substitut Seltensperger ne retenait
que des charges minces contre Céline et concluait que
l'article 75, relatif à la haute trahison, ne le
concernait pas. Mais, suite à une
indiscrétion, dont la presse se fit l'écho, ce
discours ne fut jamais prononcé ).
: " Avec
l'arrivée de Mayer,
[René Mayer, garde des Sceaux] tout
le château des Espoirs est écroulé. On a
désaissi le Commissaire
[Jean
Seltensperger] qui avait conclu 1° au non
lieu total 2° à la Chambre Civique. On a
été chercher un buveur de sang !
[le procureur René
Charrasse] Qu'est-ce-que c'est que ce Fouquier
Tinville à la manque ! Couthon, sautez-moi sur ce
dossier ! et que ça saigne !
On me
défère en Cours de Justice... Il faut payer la
propagande Bibici ! et son projet espagnol semble compromis
Je vois que l'Antonio
[Zuloaga] est un terrible radin. Mauvais,
si j'allais en Espagne ! Redemander des sous à ce
misérable ! Il faut être archi
dégueulasse. Cela m'explique pourquoi il n'est jamais
venu me voir ici.
(Klarskovgaard) le 27 (novembre
1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand
in-4. Son éditeur, Charles Frémanger (qui fit
reparaître Voyage au bout de la nuit en juin 1949) lui
fait des difficultés : " Je te vois aux prises
avec cette crapule Frémanger
On n'en tirera
rien. Si tu pouvais lui racheter les compositions du Voyage,
évidemment ce serait le mieux, le plus pratique. "
Sa situation n'accuse aucun
changement : " Oh je ne laisserai pas
partir Lucette avant que ma prison ait été
biffée officiellement avec papiers cachetés,
pas en blablas ! On est toujours aux blablas. Rien de Naud,
rien de Mik qui ne bouge plus, trop heureux de ne rien
foutre ! Je ne sais plus rien de Monnier non plus qui doit
avoir un mal extrême à tirer un rond des Amyot
! [la maison Amyot-Dumont avec
laquelle Pierre Monnier veut s'associer pour créer
les éditions Frédéric Chambriand et
publier Céline] " Son ami Zuloaga
craint peut-être de le voir arriver en Espagne mais
indigne à vie, j'ai pas droit au Passeport. Il
faudrait un ordre de route du 2e Bureau ou de la
Légion Étrangère. C'est pas
Charbonnière [Guy de
Girard de Charbonnière, chef de la légation
française au Danemark, qui veut le faire
extrader] qui va m'aider ! Quant à
venir me faire soi-disant blanchir devant encore une Cour de
Justice. Salut ! Son séjour est infecte mais s'il
revenait en France la petite bicoque isolée où
on ne vous connaît pas ! C'est le truc à se
faire liquider sec genre Stavinsky. Si je rentrais
forcé en France je voudrais demeurer au-dessus d'un
commissariat. Jamais plus isolé. Jamais. Dans
l'il de la Police que je voudrais être.
" Il s'emporte contre l'Opinion
publique locale " ! Tu causes ! L'Indignation des
Résistants voisins
des mères, des
violées d'Oradour
des enculés de
Buchenwald
des gratinés d'Auschwitz ! Tout par
moi ! "
(Klarskovgaard) le 13
(décembre 1949).
L.A.S. de ses initiales LFC. 4
pp. grand in-4. Il lui demande de lui faire parvenir un
paquet sous forme d'un cadeau de Jour de l'An pour sa femme
Lucette avec un vaste papier genre carton "sur lequel tu
peinturlucheras une fleur et en lettres rouges Bonne
année 1950 à Lucette ! Cadeau pour elle.
" L'approche de son
procès le mine : " Oui, ils vont
finir par me saquer en Cour. Les Socialistes d'ailleurs
demandent qu'elles durent jusqu'en juillet. J'aime mieux
l'article 83 que le 75, si l'on peut dire ! J'aimerais mieux
surtout être fixé en terrain ferme et plus sur
ce sable mouvant ! " mais il
ajoute une petite note : " Il paraît
qu'il y aura Amnistie pour les condamnés de 64 ans.
J'ai encore 7 ans de bon ! donc ! Tu sais moi, je suis un
petit optimiste. " Il se sent
persécuté : " De même,
qu'il n'est pas mort un seul palestinien de mort naturelle
entre 39 et 49
qui ne soit de ma faute ! et
bafoué. Tu as remarqué qu'aucun des journaux
ne relate, détail pourtant qui a sa valeur, que je
suis mutilé de guerre à 75 pour 100,
engagé volontaire des 2 guerres,
médaillé militaire, nov. 1914. Les canailles !
"
(Klarskovgaard) le 28
(décembre 1949).
L.A.S. de ses initiales LFC. 4
pp. grand in-4. Il passe commande de corsages pour sa femme
Lucette qui n'a plus rien à se mettre ! Il explique,
de manière crue, l'acquittement de la maison
Denoël (30 avril 1948) : " Tu sais que j'ai
déjà été acquitté lors du
Procès Denoël ! C'est une farce !
La
mère Voiliers [Jeanne Loviton, dite Jean
Voilier] suçait en très haut lieu ! Il y a
une justice pour les bonnes brouteuses et une autre pour les
têtes de lard ! Mais aucun de ces deux avocats
français n'a pu, en temps utile, se faire communiquer
la copie de ce jugement, ce qui altère son moral Je
suis malade, archi malade, gâteux, merdeux,
dégueulant, dégueulasse, couché,
immobile, à la mort ! " En
post-scriptum : " Le petit Monnier est
emmerdé de ne pas avoir sorti assez de luxes "
[Casse-pipe vient de
paraître chez Chambriand].
(Klarskovgaard) le 12 (janvier
1950). L.A.S. de ses
initiales LFC. 1 page et
demie grand in-4. Une lettre lui est attribué
à tord : " Le plus rigolo c'est que cette lettre
à Mauriac n'est pas de moi mais de Paraz, qui
lui-même en faisait un pastiche à la
manière de Mauriac ! Ils ont trouvé que ma
signature faisait mieux ! " Il
cherche des appuis : " Ah si tu pouvais
joindre Mondor [le professeur
Henri Mondor] qui s'est déclaré
très favorable à ma défense ! qu'il
envoie un mot à Naud et à Drappier
" [le président
Drappier, juge du procès]
(Klarskovgaard) le 15 (janvier
1950). L.A.S. de ses
initiales LF. 3 pp. grand in-4. ( Le journal Le
Libertaire a ouvert ses colonnes dans le cadre d'une
enquête "Que pensez-vous du procès
Céline ?") : " Je vois que ça fumoche
dans la Presse. Il faut lire le Libertaire du 13 janvier
numéro 211. Il tonne, très bien. Certes, il
compromet si l'on peut dire, mais je n'ai rien à
perdre. De l'autre côté, que des vaches
chichiteuses ou donneuses...mais les verdicts sont
dictés par le Duc de Vendôme, Mayer de
Montrouge [René Mayer, garde des Sceaux]. Il
fera donner la presse à gage
La partie n'est
pas égale tu penses ! " (Klarskovgaard) le 16
(janvier 1950).
L.A.S. de ses initiales
LFC. 2 pp. et demie grand in-4. Il accuse
réception d'un paquet arrivé sans une douane
et il attend la copie de son réquisitoire pour y
répondre (avant l'audience de son procès, le
21 février 1950) : " Mais le bougre
[son avocat Albert
Naud] ne m'a pas encore envoyé ce
putain de réquisitoire ! Ils doivent suer à la
rédaction je te dis ! Enculer la mouche au vol c'est
ardu ! Mais quand le Duc de Mayer Vendôme
[René Mayer, garde des
Sceaux] ordonne ! En tous cas, compte sur moi
! J'y répondrai, précis ! sec ! bref ! une
ordonnance ! "
(Klarskovgaard) le 11 (mars
1950). L.A. S. de ses
initiales LFC. 6 pp. grand in-4. Il accuse
réception d'une merveilleuse sortie de bain puis
critique son avocat danois : " J'attends le Jugement de
Paris pour pouvoir mettre Mik au pied du mur qui est un
damné fainéant, prétentieux, jean
foutre, et qui est trop heureux de remettre à un
mois, à un siècle, ce qu'il pourrait faire
tout de suite pardi
Chercher un prétexte
à ne rien foutre ! Au diable si mon affaire en
pâtit ou en crève ! Mik nous a sauvé la
vie, mais il est néanmoins l'égoïsme et
le mensonge à la Nème dimension ! C'est atroce
de naviguer avec un bobignol pareil ! "
Il explique la démarche de
ses avocats mais cela érode sa patience : "
Il faut décupler de patience et de
diplomatie, ne pas rater le dernier échelon ! Donc
attendre que Naud parvienne à obtenir cette
pièce des
Français [la
copie de son jugement] puis forcer Mik
à obtenir la note danoise
[attestation de son arrestation et
de son emprisonnement au Danemark] puis
attendre encore ! que Naud obtienne enfin de la Justice
française l'équivalence. On aura alors fait
durer notre épreuve au maximum. Quand on aura enfin
obtenu cette pièce libératrice (ou
semi-libératrice) alors on passera à l'acte
suivant. Pas avant. Pourquoi faire ? "
Il abandonne ce qu'il aurait pu
obtenir de la part de Charles Frémanger : "
Quant au Frémanger c'est cause perdue !
Canaille bien déterminée. Chercher d'en
obtenir des livres ? les formes surtout ? qu'il ne me
re-tire pas ! Je ne sais que penser ? Mais en tout cas s'en
dégager à n'importe quel prix ! C'est une
petite pourriture à éliminer absolument et
définitivement ! C'est un super et sous-Denoël
à la fois ! C'est trop ! "
Il sait que tout n'est pas fini,
ce qui le plonge dans un état de tension assez
douloureux, "mais il ne faut pas encore nous
dé-tendre. Oh pas du tout hélas. Il fa ut
persévérer dans cet absolu du but
C'est
atroce comme état, mais on a
l'entraînement
On verra une fois le papier
libérateur en fouille. C'est pas les idées qui
manquent, ni l'expérience, nom de Dieu ! "
(Klarskovgaard) le 24 (mars
1950). L.A.S. de ses
initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Suite à son
jugement, la chancellerie marque le pas : " Mais je crois
qu'avant de penser à revenir, il faut d'abord avoir
la copie de mon Jugement. Chaque chose en son temps ! Et mon
Dieu, au train où tout cela se hâte, ça
pourrait être le Jugement Dernier ! Tu parles qu'on
doit faire traîner les choses Place Vendôme !
par tous les moyens ! "
Après quelques propos
acides sur son éditeur " C'est un
petit fou, fou mais crapule. Il est capable de tout."
il parle de son travail
d'écrivain :
"
Pour ma misérable part, je gratouille
en bénédictin, tu sais moi je suis un styliste
plus qu'autre chose. Ça paye jamais beaucoup le
style. C'est de la petite invention genre Lépine : du
bouton de col. Les petits inventeurs, leur avenir est la
fosse commune. "
(Klarskovgaard) le 18 (avril
1950). L.A.S. de ses
initiales LFC. 2 pp. grand in-4. L'idée
d'aller en Espagne, c'est secondaire. L'urgence est ailleurs
: " Ce qu'il faudrait, c'est d'abord la copie de mon
jugement que doit obtenir Naud ! Ça semble la croix
et la bannière ! Après remuer encore Mik qu'il
obtienne le papier danois ! Et puis re-Naud ! Ah ils vont
plus vite tous quand il s'agit d'un général
qui livre des pièces secrètes à
l'Ennemi ! " Il est malmené
dans une revue : " As-tu lu le n°4 des
Cahiers de la Résistance ! C'est une belle infamie et
provocation à mon assassinat si je rentrais en
France. Il donne un dossier à l'avocat de mon
assassin. Il fournit toutes les pièces ! !
justificatives de mon assassinat. Vous pouvez tuer cet homme
avec tranquillité
En vérité, pour
moi un seul salut ! que mes assassins s'entrassassinent.
" L'écriture lui est
difficile : " Oh Féerie n'est pas fini du
tout. Tu sais que je travaille très lentement. Je
n'ai plus la force d'abord de travailler plus vite. Ces 10
dernières années m'ont crevé
Et
toutes ces innombrables lettres m'ont pompé
aussi." Le pessimisme le
gagne " On vivote sans aucune illusion ni le
moindre espoir. On veut faire de peine à personne,
c'est tout ni aux bons amis, ni aux parents fidèles,
ni à nos pauvres animaux. C'est tout l'horizon.
"
(Klarskovgaard) le 21 (avril
1950). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand
in-4. Il met en garde son ami contre le caractère de
Dedichen (collaborateur de Mikkelsen) : " C'est un grand
emprunteur, flambeur, joueur. Il se doute que nous avons un
petit pécule. Il voudrait bien taper dedans. Je n'en
ai jamais parlé. N'en parle pas
Lui et Mik sont
aussi joueurs, filous et roublards l'un que
l'autre."
(Klarskovgaard) le 28 (avril
1950). P.A. non
signée. 8 lignes grand in-4. : "
Enfin
mais le problème du passeport reste
entier Je viens à l'instant de recevoir la
pièce ! de mon Jugement ! Je l'expédie
à Mik qu'il obtienne la note de la Justice d'ici. On
verra ensuite ce que Naud obtiendra
On verra aussi
après ça pour l'Espagne
mais le fric
hélas ! et le passeport ! "
(Klarskovgaard) le 2 (mai
1950) L.A.S. de ses
in.itiales LFC. 2 pp.
grand in-4. Dans l'attente de son attestation de la part des
autorités danoises, il critique de manière
acerbe son avocat danois : " Je ne veux pas qu'elle
[Lucette] parte
avant une situation règlée. Hors la vache de
Mik lambine, louvoye, sabote plus ou moins, ne va pas du
tout à la Justice d'ici demander le papier !
Quelles raisons ? Je sais pas. Paresse ? Vanité ?
Despotisme ? une ordure mais faut avaler. Glousser. On est
esclave de ce jambonneau. " Il est
de nouveau édité (par les éditions
Frédéric Chambriand) "Il y a
là un petit coup commercial que je ne comptes
guère ". Son
hypothétique séjour en Espagne est
réduit à néant : " Oh Antonio
[Zuloaga], c'est
la débinette. Retraite sur des positions
longtemps préparées d'avance.
(Klarskovgaard) le 10 (mai
1950). L.A.S.
LFCeline. 2 pp. grand in-4. Il se sent la victime
d'une persécution : " Oui, c'est très
moche. C'est la persécution minutieuse. C'est moi
l'indigne à vie, on m'enleve ma médaille
militaire, ma pension de mutilé et c'est Ganga Drouf
et Bernard Lecuche, bulgares, qui me jugent et me promettent
l'assassinat si je rentre chez moi. Rien ne manque. Je ne
parle pas des autres scélératesses, vols,
saisies, toute cette ignoble bouffonnerie. Puisque les
Français permettent qu'on me traite ainsi, ils sont
mûrs pour la Sibérie."
Il est question que son ami
vienne le voir " Tu as raison de venir seul nous
voir qu'on cause. Par l'autobus. En juin, si tu veux bien.
Il fait alors ici à peu près beau. On
t'arrangera au mieux dans la chambre du premier, tu seras au
sec. " Ses
difficultés avec son éditeur demeurent : "
Quelle honte de te voir obligé d'aller
relancer ce sale petit escroc de Frémanger. "
Son jugement étant rendu,
sous la forme d'un conseil, il semble se féliciter de
son attitude : " Le mieux, tu vois, c'est
d'écrire toujours au Procureur Général,
tout. Lui faire soi-même un rapport mensuel de ce
qu'on fait, voit et pense. C'est moins bien fait par les
voisins et connaissances. Ils inventent, fioriturent. C'est
le seul vrai danger, plus l'assassinat bien sûr.
"
(Klarskovgaard) le 15 (mai
1950). L.A.S. de ses
initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Son ami pense lui
rendre visite en mai. Il cherche à l'en dissuader :
" Bien sûr, tu es toujours admirablement venu !
N'importe quand ! MAIS tu sais qu'il faut encore un sale
temps de vache en MAI, ici ! On crève de froid humide
!
Je crois que ça vaudrait mieux JUIN.
"
(Klarskovgaard) le 18 (mai
1950). L.A.S. de ses
initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Son ami a
insisté pour venir : " Viens quand tu veux, bien
sûr, quand tu peux. Ce que je disais, c'est pour le
froid pour toi. C'est sinistre avec le froid. Si tu viens
avec Naud, ça sera parfait aussi et tu reviendras
ensuite seul. Tu pourras tacher de planquer un peu de
couronnes danoises dans tes doublures, si tu veux. Dans les
doublures et bagages, c'est le mieux. "
Il évalue ses chances
d'aller en Espagne et
de revenir en France : "
Pour l'Espagne, certes, je suis preneur, mais
comment y parvenir ? les revenus ? d'où ? Saisi comme
je suis par tous les bouts !
Retourner en France
?
Ce serait pratique chez les parents de Lucette
à Nice. " Il redoute
l'opinion : " L'être le plus fumier
de tous les fumiers, c'est le Populo, banal, ordinaire
L'opinion publique. Tu vois une campagne de presse des
youtres et cocos ? "
(Klarskovgaard) le 22 (mai
1950). L.A.S. de ses
initiales LFC et Lucette. 3 pp. grand in-4. (Le 13
mai, Mikkelsen, son défenseur danois, a enfin obtenu,
de la part du ministère danois de la Justice,
l'attestion d'incarcération de son client) : "
Naud, à présent, a le papier danois qu'il
réclamait. À lui de se démerder (s'il
se peut) avec les sino-palestiniens du Parquet Parisien
! (très entre nous) [il
s'agit de faire reconnaître que la peine de prison
infligée à Céline a été
effectuée au Danemark, et de lever le mandat
d'arrêt contre lui] " Ensuite, il doit
venir me voir ici, illico presto, qu'on discute vachement
l'actif et l'avenir. L'avenir, la merde ! L'Espagne serait
une étape avant le retour en France. Il serait
préférable que je fasse un petit stage
préparatoire en Espagne avant de rentrer dans ma
chère Patrie, vachement occupée ma
chère Patrie, par de drôles de
Sino-palestiniens coriaces en diable ! mais bouffer
là-bas ? et crècher ? J'ai reçu un mot
de Joulou [Antonio
Zuloaga] du Canada qui ne veut rien dire. Il a
l'art de pas comprendre etc. Il faudrait avoir assuré
à S. Sébastien une petite crèche et un
studio pour Lucette travaille 4 heures par jour et 20 000
francs par mois et ce, pendant au moins 2 ans. Voilà
noir sur blanc le problème
Enfin et surtout, le
passeport pour moi pour m'y rendre. "
(Copenhague) le Jeudi 25 (juin
1950). L.A.S. de ses
initiales LFC. 4 pp. grand in-4. (À la fin du
mois de mai, le couple partit rapidement à Copenhague
où Lucette se fit opérer d'urgence d'un
fibrome. Ils ne regagneront Klarskovgaard qu'en juillet.
Pendant la convalescence de sa femme, Céline
vécut dans un cagibi de l'appartement de Mikkelsen)
L'état de santé de sa femme le
préoccupe et l'entourage médical le
déçoit : " Lucette n'a plus de
fièvre mais elle souffre encore beaucoup. Les soins
post opératoires ici ne sont pas ce qu'ils devraient
être. Les infirmières pas assez nombreuses et
exaspérées de fatigue, comme à Paris,
comme partout. C'est un atroce moment à passer. Les
médecins ne sont pas non plus assez subtils,
cliniques, très inférieurs aux nôtres.
Certes excellents opérateurs, dans le cas c'est
l'essentiel. Lucette se lève à présent,
va aux lavabos etc. mais avec beaucoup de douleurs."
Le livre de son ami Albert Paraz,
Valsez, saucisses, vient de paraître : "
Oui, je suis au courant du livre de Paraz
Saucisses qui contient mes lettres. Aucune importance. Tout
cela est archi châtré, édulcoré,
censuré par moi
Ne peut faire aucun mal. Paraz
a été très courageux. Je voudrais qu'il
vende un peu grâce à ces bafouillages. Il a
décliné une offre des éditions de la
NRF mais veut garder Pierre Monnier comme interlocuteur
privilégié. Monnier est à conserver de
toutes manières, soit avec Flammarion, soit avec
combinaison actuelle " [les
éditions Chambriand].
(Klarskovgaard) le 8 (juillet
1950). L.A.S. de ses
initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Il attend de
l'argent : " Quand j'aurai l'adresse de Lochen [le
pasteur François Löchen], je lui
écrirai qu'en remontant il passe chez toi prendre
encore 100 sacs
et donc 3 000 couronnes à me
donner à son retour ici."
La santé de sa femme
s'améliore : " Lucette va
mieux
mais c'est encore une affaire de mois pour
qu'elle reprenne toute son énergie. "
Son avocat Albert Naud n'obtient
rien des autorités françaises : "
Tête de cochon de Police et de
l'Intérieur et du Palestinien. Rien à foutre.
Les éditions Chambriand tiennent le cap Oui, Monnier
fait bien son possible et ce possible a été
admirable.
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