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Correspondance autographe de Louis-Ferdinand Céline.

 

Catalogue thématique

Correspondance de  

Louis-Ferdinand CELINE, avec Jean-Gabriel Daragnès, peintre, graveur et imprimeur. Nombreux documents autour de Céline.

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Expert :

Fabrice TEISSEDRE (Paris)

Paris Hôtel Drouot

Vente du 

Vendredi 18  janvier 2002.

 

Etude :

E. Farrando et G. Lemoine. Commissaires-Priseurs. (Paris)

Lettres inédites ( écrites entre 1948 et 1951 ), qui appartiennent à la période pendant laquelle Céline se trouve en exil au Danemark, après avoir passé plusieurs mois en prison à Copenhague, en réponse à la demande d'arrestation et d'extradition de la légation française. Libéré en juin 1947, il déménage avec sa femme en mai 1948 à Klarskovgaard, la propriété au bord de la Baltique de son avocat danois, Thorvald Mikkelsen, ancien résistant et juriste francophile, souvent appelé Mik dans ses lettres danoises. La correspondance avec son ami Jean-Gabriel Daragnès (1886-1950), peintre, graveur et imprimeur qu'il appelle Mon cher Vieux et dont il fit la connaissance dans les années 1934-36 à Montmartre, avait été achetée à la fin des années 60 à la famille Daragnès, par un courtier en autographes américain, Carlton Lake. Toutes ces lettres sont écrites à l'encre bleue, sauf deux qui sont au stylo bille. Quelques traces de rouille laissées par des trombones et quelques soulignures au crayon rouge.

 

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 Abréviations

L.A.S. ou P.A.S. = Lettre ou piéce autographe signée.

L.S. ou P.S. = Lettre ou piéce signée (texte d'une autre main ou dactylographié)

L.A. ou P.A. = Lettre ou piéce autographe non signée.

 Les résultats sont donnés en euros. / The results are given in euros.

1 - AGENCE BOUTIN. L.D.S. à Céline. Dinard, 4 mars 1958. 1 page in-4, papier à en-tête imprimé au nom de l'agence immobilière. Comme suite à la correspondance précédemment échangée entre nous en vue de l'acquisition éventuelle d'une villa dans notre station, je me permets de vous signaler que l'on vient de me donner à vendre une bonne villa jouissant d'une très belle vue sur la Baie du Prieuré. Le couple Destouches envisageait d'acheter un pied-à-terre en Bretagne. Sont joints, une page dactylographiée (description de la villa) et un plan imprimé en couleurs de Dinard. est : 91 / 122 Résultat : 50 € ( 327,FRF )

2 - ALMANSOR (J.). L.A.S. à Daragnès. Paris, 20 juillet 1950. 1 page in-8. Le père de Lucette Destouches. est : 61 / 76 Résultat : 50 € ( 327,FRF )

3 - BONABEL. L.A.S. à Céline. S.l. (Paris), 1er août 1949. 5 pp. et demie in-8. : " Je vous ai adressé jeudi dernier un colis contenant la totalité des disques que vous m'avez demandé… Je crains que vous n'ayez quelques frais de douane à acquitter mais ce n'est pas possible de l'éviter en passant par un organisme officiel de transit." Cet ami de Céline était disquaire à Clichy. est : 61 / 76 Résultat : 80 € ( 524,FRF )

4 - BONNY (Luis Pablo). L.A.S. à Céline. Buenos Aires, 1er janvier 1961. 2 pp. in-4. J'ai tout collectionné de ce qui te concerne. Vraiment, tu continues à les obséder, à les fasciner. Même ici, dans notre presse misérable, il n'est pas une page littéraire où ton nom ne figure comme un flambeau, comme un jalon de notre siècle. Bonny et sa femme, réfugiés en Argentine, rencontrèrent le couple Destouches à Sigmaringen en 1945. est : 91 / 122

5 - BORDAS (Dr. L.). L.A.S. à Céline. Égletons, 12 août 1954. 3 pp. in-4, papier à en-tête imprimé de la Faculté des Sciences de Rennes et timbre humide à son nom. J'ai toujours conservé d'affectueux liens avec mes anciens élèves… mais j'ai toujours gardé de vous le souvenir d'un disciple particulièrement doué, d'une nature franche, et, dés cette époque, particulièrement originale par vos conceptions non conformistes. Je vous vois encore venant dans mon cabinet me demander des conseils pour vos publications à l'Académie des Sciences. Il fut un des professeurs de Céline pendant ses études de médecine à Rennes entre 1919 et 1922. Il reprit contact avec l'écrivain par l'intermédiaire de Madeleine Léger, signataire d'un article sur Céline dans la revue Semaine du Monde. Trois pièces du docteur Bordas sont jointes : la copie d'une lettre datée du 27 juillet 1954 et envoyée au directeur de Semaine du Monde, sa carte de visite et sa photo au dos de laquelle s'étale un envoi À mon cher élève et ami, le docteur L.-F. Destouches, hommage bien affectueux de son vieux maître. est : 76 / 91 Résultat : 200 € (1.311,FRF )

6 - CANAVAGGIA (Marie). 2 L.A.S. à Daragnès. Limoges, 11 et 14 août 1948. 1 page in-8 et 2 pp. in-4. Amie et secrétaire de Céline, c'est à elle que fut confié le soin de relire les épreuves de Foudres et Flèches. Une petite tache d'encre. est : 76 / 91 Résultat : 130 € ( 852,FRF )

7 - CÉLINE (Louis-Ferdinand). Télégramme adressé à Lucette Destouches c/o Jensen, Kronprinsessegade 8/5. Copenhague, 26 février 1947. 1 feuillet in-12 oblong. Texte dactylographié. Suis Rigshospitalet Administrationens Kandidatgang tu peu[x] venir toute heure journée matin et soir Louis. : Pendant sa captivité dans la prison Vestre Faengsel, Céline fut admis deux fois dans un hôpital. La seconde fois, le 26 fév. 1947, il entra au Rigshospital (l'hôpital national de Copenhague) où il resta jusqu'à sa libération le 24 juin 1947. est : 122 / 152 Résultat : 150 € ( 984,FRF )

8 - CÉLINE (Louis-Ferdinand). RÉPONSE aux accusations formulées contre moi par la Justice française au titre de trahison et reproduites par la Police Judiciaire danoise au cours de mes interrogatoires. Copenhague , 6 novembre 1946. 10 pp. in-4. Copie dactylographiée avec, à la fin, sa signature autographe LFCeline et trois ou quatre corrections de sa main. Céline répond point par point aux accusations portées contre lui par la Justice française. est : 762 / 915 Résultat : 500 € ( 3.280,FRF )

9 - CÉLINE (Louis-Ferdinand) et TIXIER-VIGNANCOUR (J.-L.). RÉPONSE aux accusations formulées contre moi par la Justice française au titre de trahison et reproduites par la Police Judiciaire danoise au cours de mes interrogatoires. Copenhague , 6 novembre 1946. 10 pp. in-4. Copie dactylographiée avec, à la fin, sa signature autographe LCF. Ce document est annoté et corrigé à la mine de plomb, certaines phrases ou groupes de mots sont barrés au crayon rouge et la mention ital (pour caractères en italiques) est portée dans la marge en face de chaque tête de paragraphe. Toutes ces interventions sont vraisemblablement de la main de l'avocat Jean-Louis Tixier-Vignancour au moment où il a pris connaissance du dossier Céline en 1948. Une petite mouillure à qqs feuillets, petites déchirures dans les pliures et deux ou trois petits mques de papier. est : 762 / 915 Résultat : 1.200 € ( 7.871,FRF )

10 - CÉLINE (Louis-Ferdinand). PAPIER vierge à en-tête imprimé au nom du Dr. L.-F. Destouches. 7 feuillets in-8. Le papier que Céline utilisait pour ses ordonnances ou pour écrire. est : 152 / 183 Résultat : 650 € ( 4.263,FRF )

11 - CÉLINE (Louis-Ferdinand). Réunion de 35 lettres à son ami Jean-Gabriel DARAGNÈS († juillet 1950), peintre, graveur et imprimeur, qu'il appelle Mon cher Vieux et dont il fit la connaissance dans les années 1934-36 à Montmartre. Ces lettres inédites, écrites entre 1948 et 1950, appartiennent à la période pendant laquelle Céline se trouve en exil au Danemark, après avoir passé plusieurs mois en prison à Copenhague, en réponse à la demande d'arrestation et d'extradition de la légation française. Libéré en juin 1947, il déménage avec sa femme en mai 1948 à Klarskovgaard, la propriété au bord de la Baltique de son avocat danois, Thorvald Mikkelsen, ancien résistant et juriste francophile, souvent appelé Mik dans ses lettres, qu'il rencontra pour la première fois en mai 1945. C'est dans une chaumière inconfortable de ce nouvel endroit qu'il va désormais habiter, jusqu'à la remise, après son amnistie en avril 1951, de son passeport qui lui permet de revenir en France en juillet 1951. Toutes ces lettres sont écrites à l'encre bleue, sauf deux qui sont au stylo bille. Qqs traces de rouille laissées par des trombones et qqs soulignures au crayon rouge. est : 22 867 / 27 441 Résultat : 35.000 € ( 229.584, FRF )

(Klarskovgaard) le 13 (printemps 1948) L.A.S. de ses initiales LFC. 3 pp. et demie grand in-4. Il est poursuivi et bafoué "J'ai appris à travers les mots de Mik que les avocats étaient toujours aussi jean foutre et les chacals toujours aussi acharnés à mes trousses. Mais attention ! Je ne marche plus dans la posture du traître. Je suis un patriote ignoblement persécuté, c'est tout. Qu'on se le dise ! Il n'attend plus rien de ses livres édités en France Rien bien sûr d'aucun éditeur. Je sens que je vais au terme de tous ces babillages être condamné à l'indignité à vie et saisie de tous mes biens présents et à venir. Donc finish l'édition en France". (Klarskovgaard)

(printemps 1948). L.A.S. de ses initiales LFC. 4 pp. et demie grand in-4. Lettre incomplète. Il ne veut pas rentrer en France de manière inconsidérée." Tu veux dire que je rentrerai me livrer lorsqu'on jugera Thorez pour son crime (celui-là non douteux), de désertion à l'ennemi en temps de guerre. Je respecte la Justice mais la Justice sans exception. La Justice la même pour tous. Très entre nous, le Procureur Général du Danemark, consulté par Mik, lui a fait connaître que ce serait folie de ma part d'aller me livrer . Se faire rééditer. Non, de tout ce verbiage, seul est sérieux ma réédition à l'étranger sous protection des lois étrangères et monnaie étrangère. La France ne pense qu'à m'éventrer. La Voilier ne pense qu'à me voler ou me raconter des bêtises. Toute cette chacalerie au Diable ! Chacun voit midi à sa porte. Je ne suis qu'un ouvrier. Je vais porter mon travail où on le paye recta. C'est simple, c'est tout."

(Klarskovgaard) le Dimanche (automne 1948). L.A.S. LF Celine et Lucette. 5 pp. grand in-4. Les éditions Denoël le contrarient ( en lui refusant d'être délié de son contrat ) : "Ce reniflage des chacals finit par nous rendre fou. Cette Voilier [ Jeanne Loviton, dite Jean Voilier, ancienne compagne de Robert Denoël et nouvelle directrice des éditions Denoël ] tu comprends, m'empêche de me rétablir en Belgique en éditions [pour éviter les menaces de saisie et de confiscation], par son culot, sa canaillerie. Et il le faudrait pour commencer à rendre un peu d'argent à Mik. C'est vital. Cette pétasse m'étrangle. Elle effraye bien sûr tous les éditeurs possibles. Elle ne fait rien, elle n'a rien fait et elle me paralyse. Bien sûr que je vais être condamné, alors éditer en France est idiot. il faut donc les contrecarrer. Un jeune dessinateur qui est venu me voir ici Pierre Monnier, 41 rue Lecourbe, veut me faire réimprimer en Belgique par un de ses amis jeune éditeur… Attendons Jonquières [ Charles de Jonquières, futur éditeur de Foudres et Flèches en déc. 1948 ] à l'œuvre ! Il fera évident faire procès à la Voilier ou que la Voilier intente procès ! Il faut en sortir. Il faut qu'un éditeur se charge de ce procès. Mais il me semble qu'en m'éditant en Belgique à mon nom, elle aurait la partie difficile Elle ne m'édite plus depuis 5 ans ( malgré avertissement et lettre de rupture ). Je m'édite et alors ? Je suis dans l'impossibilité de m'éditer en France… Il se place dans la lignée d'autres auteurs Il n'est pas question que j'aille me refoutre à la merci des tortionnaires. Sottise ! Tu n'as jamais vu un évadé, fugitif, ou condamné politique revenir se faire juger ! Ni Vallès, ni Victor Hugo, ni Daudet, ni Béranger… aucun précédent ! Il termine avec une petit note acide à l'encontre du peintre Gen Paul Popol a bien de la chance, des loisirs et de l'argent. Il peut encore se payer des désespoirs d'amour. Il ne lui manque plus qu'un tour à Venise. C'est le dernier grand bourgeois riche ! le dernier G.B.R. !

(Klarskovgaard) le 15 (automne 1948). L.A.S. de ses initiales LFC. 9 pp. et 3 lignes grand in-4. ( Les coulisses de la signature d'un contrat : Daragnès servit d'intermédiaire entre Céline et l'éditeur Charles de Jonquières qui fit paraître Foudres et Flèches fin déc. 1948 ). Il précise certaines modalités : " Ci-joint le contrat rectifié de ce Jonquières. Je ne veux rien signer de Paris où je suis hors la loi et où je dois 600.000 frcs au fisc ! Cette bonne blague !… Les 100.000 francs d'acompte en francs français à toi, à Paris, le reste à un compte en Suisse que je lui signalerai au nom de Lucette… Qu'ai-je à foutre de publicité hélas ! Denoël n'en a jamais dépensé un sou… Allons voilà un petit plaisantin. Mets le au pas. S'il n'est pas content ! Qu'il vogue ! Pour son procès, il attend, de la part de ses avocats, du sérieux et du concret mais. Tous les intermédiaires sont des menteurs et des chicaniers. Je ne suis coupable de rien. J'en ai marre. C'est moi l'accusateur et non l'accusé. Trop patriote. Trop dévoué, trop loyal. Dois-je m'excuser d'avoir tout perdu ? À l'heure actuelle, si Hitler avait gagné, tout le monde (et surtout mes accusateurs) serait bien avec lui, sauf moi ! Voilà la vérité. On profite de sa situation Paraz va payer son sana avec mes lettres qu'il publie sans mon autorisation c'est le Gala des vaches [qui parut en nov. 1948 et qui comprenait certaines de ses lettres]. Ça va avec Yvon Morandat [Compagnon de la Libération qui occupa son appartement parisien], mes lois, la Voilier, mes banques, l'article 75. La curée… Ils se jettent sur tous mes biens, papiers… Ils me bouffent ma merde et goulûment ! Il donne des recommandations à son ami Pour le contrat, tu discuteras le mieux possible… Mais n'engage rien pour l'avenir. Rogne les ongles de ce petit larron au possible Je lui ai fait les mêmes conditions, exactement, qu'à Denoël."

(Klarskovgaard) le Sam(edi) (printemps 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 4 pages et 2 lignes grand in-4. Après des aspects pécuniaires, il reprend son projet d'aller en Espagne : " J'ai lancé Joulou [Antonio Zuloaga, attaché de presse à l'ambassade d'Espagne à Paris] sur les officiels de Madrid qu'ils rencardent leur Légation ici. Mais demeurent deux hics le passeport des Danois pour foutre le camp et les moyens d'existence là-bas ? L'imbroglio de son procès le hante Je n'augure rien de bon de ce tric trac marre… Quant à l'amnistie ! sauf une nouvelle guerre mais il continue de travailler J'ai écrit une Préface pour la rééditon du Voyage et il termine en évoquant, sur le mode sarcastique, deux de ses amis Geoffroy [Georges Geoffroy, ancien employé au consulat de France à Londres] est tout à l'amour. Il a retrouvé son Hélène ! Son cœur chante. Il est donc moins con que Popol en dépit des apparences. Popol [le peintre Gen Paul] n'a que sa barbouille tandis que Geoffroy a une cassette de rubis ! Mon ami ! Les rubis font drôlement revenir les volages ! tandis que la barbouille ! Ça se discute ! Qui discute un rubis ? ".

(Klarskovgaard) (printemps 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Lettre incomplète. Il n'a pas de nouvelle de l'édition américaine de Guignol's band chez James Laughlin : "Pas trop de vacarme ! Non plus de Guignols ! À propos du manuscrit de Féerie qu'il reprend sans cesse. Si j'achève Féerie ça sera le bout du monde ! Ça suffira !… C'est pénible et douloureux. il lance ce qu'il pense de l'écriture. J'ai toujours trouvé écrire ridicule, grotesque. Le mec accroupi en position de chiot qui se tate la tronche d'où sort ses chères pensées comme du fiel de citron ! Pouah ! Que c'est vaniteux et dégoûtant ! J'ai peut-être un petit don mais sûrement pas la vocation Mon rêve était de soigner les diarrhées infantiles. Shakespeare prétend que nous sommes faits de la même étoffe que nos rêves Les miens n'étaient sûrement pas d'écrire des rooomaaans ! Trucs de gonzesses ! Enfin, c'est le pain."

(Klarskovgaard) le 12 (printemps 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 9 pp. grand in-4 et 1 page in-8. Il rend compte de la bonne humeur de son avocat danois : " Mik est revenu dans l'état d'enthousiasme habituel après ses visites à Paris, et surtout tes réceptions ! Il est pote et fier d'être pote. Heureux aux anges de connaître Marteau [l'industriel Paul Marteau] Pour lui permettre de contourner son statut d'exilé et d'améliorer ses revenus par la vente de ses livres, il explique à son ami le montage financier dont il doit être le bénéficiaire Frémanger montera chez Mik une maison d'édition danoise pour la forme. Mon contrat avec lui sera signé de Copenhague. Il imprimera mes livres en France et les refilera en clandestin aux grossistes. Il prévoit de me payer mes droits d'auteur par mensualités. Ces mensualités seront soi-disant touchées à Paris par Lucie Georgette Almansor [son épouse] en francs français. Il préparera les reçus avec les quittances, les timbres de quittance français, Lucette les signera ici ou les lui enverra et il ferait alors te porter chez toi ces sommes (qu'il aura déjà changées en francs suisses ou dollars). Oh pas lourd ! et pas plus j'imagine de 3 ou 4 mensualités ! alors je te demanderais de faire virer une partie de ces sommes sur le compte de Lucette en Suisse, l'autre part à remettre à Mik lorsqu'il passera par Paris. Bien sûr, il n'y aura aucune trace de ces versements nulle part, si ce n'est les reçus de Lucette signés ici et envoyés directement à Frémanger. Ses chances d'aller en Espagne sont minces L'Espagne, ah là très délicat, Mik m'en a parlé. Tu parles, si je suis décidé à foutre le camp de ce frigidaire macabre ! de cette quarantaine honteuse, malheureuse, imbécile mais il y a plusieurs mais. Il faut que je trouve l'équivalent et Mik, là-bas, une garantie. Je n'ai plus rien à emporter plus un sou !.. Il y a aussi les possibilités administratives. Ce n'est pas du cinéma ! D'abord être admis d'avance en Espagne avec garantie… Je suis toujours prisonnier sur parole. Tel est mon statut. Mik gage toujours sur ce point. Or il faut que les Danois deviennent les complices de ma rupture de banc. Ce n'est pas impossible. Pour se débarrasser d'un vieillard inutile, d'une situation merdeuse. En Dernière minute, il fait part d'un autre espoir d'édition : "Je ne passe pas encore jugement sur l'affaire Frémanger. Monnier est revenu de Copenhague avec une combine peut-être viable…".

(Klarskovgaard) le 24 (printemps 1949). L.A. non signée. 6 pp. grand in-4. Lettre incomplète. Il espère une rentrée loyale d'argent par une réédition du Voyage chez Frémanger mais l'affaire Frémanger me semble encore bien vaseuse, cafouilleuse puis il dresse la liste des personnes auxquelles il écrit des lettres qui pourraient devenir l'objet d'un commerce : " Tu as raison pour mes lettres. Camus [le docteur Camus] est surtout furieux et n'avoir pu gagner du pèze avec les miennes… J'écris très peu finalement, à Marie [Canavaggia] pas, à Philippon [René Philippon, président du Syndicat des éditeurs] du tout, quelques lettres d'insultes, 5 ou 6, à Voilier [Jeanne Loviton, dite Jean Voilier] qui me vole (et alors), rien à Popol [le peintre Gen Paul], rien à Joulou [Antonio Zuloaga], en Belgique à un cul béni qui ne publiera certainement rien (et rien d'original !). Il n'y a guère matière à publications. Sauf à inventer bien sûr ! "à la manière de" (mais là je suis désarmé). Il y a aussi ma défense mais justement personne ne la publie ! Quelques lettres à Naud et Tixier [Albert Naud et Jean-Louis Tixier-Vignancour, [ses deux avovats en France], oh bien édifiantes. et il explique ce qu'il écrit D'ailleurs tout ce que j'écris est toujours hautement édifiant. Ce ne sont jamais que les révoltes d'un homme qui souffre d'être persécuté par des lâches et des menteurs et d'un ouvrier à qui on s'acharne à voler son travail et à faire crever de faim. Paraz avait les plus corsées. Il en a fait de l'argent [la parution du Gala des vaches en nov. 1948] C'est tout. Il ne recommencera pas et pour cause ! Il devrait tout accepter alors qu'il est une victime Ce qui fait hurler le plus, tu vois, c'est que je me défende. Il ne faut pas que je me défende. Il faut même que j'acquiesce. Il ne m'est jamais permis de dire que Ah vous avez bien raison ! Un mot de plus amène des cyclones ! "

(Klarskovgaard) le 4 Dimanche (printemps 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 1 page grand in-4. Il charge son ami de faire le caissier : " Tu as assez en caisse pour te payer ? Je te demande de donner 20.000 fr à Monnier pour lui et 10.000 francs à Marie [Canavaggia, sa secrétaire et amie]. Le reste restera en compte chez toi.".

(Klarskovgaard) le 3 (printemps ou été 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Il se sent poursuivi par la vindicte publique: " Tout n'est pas dit loin de là le journal Libération me réclame au poteau et sur quel ton. Le Ministère de l'Intérieur pourrait le faire taire évidemment. Ils ont mille moyens mais le veulent-ils ? ce qui le rend pessimiste mais lucide Oh tu sais, il n'est question du tout de rentrer. Ce serait démence. On peut le laisser penser bien sûr…ma suprême chance ! Chambre civique, que j'aie l'air d'y cavaler. Qu'ils se croient aussi astucieux… Spéculation de ma nostalgie furieuse… je leur pisse au cul ! Mais laisse les penser "Si on le passe en Cour, il ne viendra pas. En Chambre Civique, il se laissera séduire". L'ambassade ici n'est avertie de rien du tout. Ce sont des manœuvres du Parquet, c'est tout. Des airs de sirènes…" Puis le ton s'enfle " Oh l'Ivrogne [le peintre Henri Mahé] n'est pas si dément qu'il en a l'air. Il est lâche et méchant et jaloux, surtout… Ce diable veut le mal pour se venger de vieillir, d'être cocu, de n'être pas assez riche, de n'être point reconnu grand peintre. Mille lunes qu'il trempe dans l'alcool.".

(Klarskovgaard) le Ven[dredi] (été 1949) L.A.S. de ses initiales LFC. 8 pp. grand in-4. Après avoir épinglé la critique du couple Sartre-Beauvoir : " Cette histoire Beauvoir Sartre Guignol's est une autre infamie totale… Tu me vois prétendant que les Alemands m'ont faire écrire Guignol's. C'est sombrement idiot au surplus. Crétin à bramer !… Quand à Sartre, ses accusations noir sur blanc suffisent. C'est un valet de police, un rabatteur, une immondice et rapporté une rumeur un journaliste danois est revenu de Copenhague avec une grande nouvelle. J'avais livré aux Allemands les secrets de la ligne Maginot…l'on croira que j'ai aussi livré le Pas de Calais, la Tour Eiffel et la Rade de Toulon. Quand on veut tuer son chien il pèse ses chances de quitter le Danemark pour aller en Suisse ou en Espagne Quitter le Danemark. Oh c'est bien chanceux… on verra… Oh pas le choix : Suisse ou Espagne, j'hésite bien. La Suisse est certainement moins compromettante et francophone mais ce sont des permis de 3 mois en 3 mois. Si on me l'accorde !…Si Frémanger [l'éditeur Charles Frémanger qui vient de rééditer Voyage au bout de la nuit] se remontait, que les mensualités tombent à peu près, la question du transbordement serait beaucoup plus assurable. J'arriverais pas en cloche, soit en Suisse, soit chez Franco. Lucette pourrait même travailler en Espagne. Je crois que Julu [Antonio Zuloaga] nous trouverait tout de même un petit local où demeurer." Puis il exprime sa gratitude à l'égard de son avocat danois : " J'ai une dette de reconnaissance totale envers Mik et je ne suis pas homme à badiner en ces matières. Il nous a sauvé la vie, mais la maigre pitance et notre misérable traintrain n'est à la charge de personne. C'est de mon sang et de ma tête. Tu devais te douter de tout ceci. C'est un absolu secret entre nous deux. Un mot ce serait la catastrophe. Seulement bien sûr tout s'épuise, tout a son terme… et Mik n'est pas éternel. Il faut aviser". Suivent des informations diverses : " l'industriel Paul Marteau a fait une très grosse impression à Mik, la perte d'un paquet de 6 kilos de café volé par le service postal, une critique d'un livre d'André Warnod, livre bien intéressant d'ailleurs, un peu trop de Jacob à mon gré et de Picasso. La Butte a l'air d'avoir été créée par eux. ".

(Klarskovgaard) (été 1949) L.A.S. de ses initiales LFC. 5 pp. grand in-4. Lettre incomplète. Il fait part de sa conduite vis-à-vis de ceux qui peuvent le publier : " Mes revenus libraires ?…On réfléchit, on va voir Frémanger [Charles Frémanger qui dirige les Éditions Jean Froissart]. Je me suis montré très rigoureux parce que ces jeunes gens sont entreprenants mais périlleux… Bien sûr j'en rabattrai. En pratique je suis prêt à toutes les concessions mais si je le leur avoue je ne toucherai pas un centime. Il faut les protéger contre leurs propres emballements. Après une vive critique des éditeurs, Quand il s'agit de voler, mille bonnes raisons !… Ils pompent tout il se propose de donner d'autres textes à Frémanger qui a l'air plus honnête que les autres car il faut qu'on se refasse du pèze volé mais le reste ne le concerne pas. Je me fous qu'ils trouvent ensuite des amateurs ou pas ! C'est leur affaire d'épicerie ! Ça pleurniche toujours un épicier et ça fait toujours fortune ! "

(Klarskovgaard) le 30 (été 1949). L.A.S. LF Celine. 4 pp. grand in-4. Denoël a porté plainte contre Charles Frémanger qui vient de rééditer Voyage au bout de la nuit en juin 1949, mais son procès est son premier souci : " Certes cette histoire de plainte, poursuite de Denoël, est trop dégueulasse et ubutesque ! mais il faut tout de même que je perde des heures à écrire au Juge d'Instruction ! Plus grave est mon non-non-lieu… Je n'en démors pas. Ou bien non lieu ou bien réponse écrite et publiée à X exemplaires de ma condamnation, MAUVAISES MANIÈRES, en diverses langues dont la française, où je reprendrai virgule, lettre par lettre, les termes de l'accusation et de la condamnation, car il faudra bien enfin mettre noir sur blanc cette monstruosité, le mensonge français, MENSONGE raison d'état. Il ne mérite aucune sanction L'Indignité ne m'arrange pas du tout. Je connais des milliers d'indignes en France mais pas moi. Il éreinte son éditeur " Le Frémanger un carambouille comme les autres. Il s'est régalé et il va me jouer les martyrs. C'est le scénario fastidieux qu'il me présente tous au lieu de me payer ! " Puis les protagonistes de son procès " L'Ivrogne cocu va tourner commissaire du Peuple, car il est rusé et matois et vachement prévoyant derrière sa soi disant ribote !…Tous ces Tixier et Naud et Cie me donnent des renvois, des renvois très polis bien sûr ! Mais vais-je prendre ces Guignols au sérieux ? Tu penses ! Ils sont bons pour ce qu'ils sont, utiles, mais à surveiller et ne jamais suivre surtout ! "

(Klarskovgaard) le 10 (été 1949). L.A.S. signée de ses initiales LFC. 6 pages grand in-4. Son éditeur Charles Frémanger l'indispose. : " Diable bien sûr que Froissart a commencé à me raconter ses salades de crise d'édition, etc… C'est la pleurnicherie avant l'aveu du vide ! On verra le 15 s'il se raccroche ! Tu as raison il est chétif." Il dresse un portrait peu amène de son défendeur danois : "Tu as mille fois raison pour Mik. Tu parles, si on connaît son envers et son endroit, mais il s'en fout. Il ment comme il respire, c'est sa nature. Il brode, bonimente, enjolive et fout le camp. Pas sérieux pour un poil de cul. Mais n'est-ce pas, il nous sauve la mise et il était le seul maboul à se risquer (oh très peu !) au moment où la curée battait son plein. Alors rien à dire, on connaît tous ses vices, il est ignoble…" Pour revenir à son procès : "Amnistie ? Hum on verra. Je n'y crois guère, ni à Nordlig [Raoul Nordling, consul général de Suède à Paris]. "Désenchanté, je crois, de ne m'avoir trouvé ni nazi féroce, ni bouffeur de Juifs." et inviter son correspondant à le rejoindre " Si tu es ivre de soleil tu pourras venir te dégriser par ici."

(Klarskovgaard) le 12 (automne 1949). L.A.S. LouisFC. 2 pages grand in-4. Il parle d'un prochain séjour discret de Mikkelsen à Paris et demande à sa femme d'acheter 10 mètres de soierie pour Lucette à peu près de la qualité du bout d'étoffe, mais en bleu ciel ou rose, et aussi 10 mètres de tissu pour faire des serviettes éponges, bien épais. : "Lucette n'a littéralement plus rien à se mettre ! Voici 6 ans que nous vivons avec les mêms loques ! " En post-scriptum : " J'ai écrit à l'ivrogne pour connaître ses réactions… Je me méfie de lui à la veille du Procès."

(Klarskovgaard) le 14 (automne 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 4 pp. grand in-4. Il donne quelques détails de son quotidien : " Tu sais, ici on lave nous-même les peignoirs, et le reste. Or, un peignoir ici, ça met 15 jours à sécher au-dessus du feu. D'où que, pour Lucette, il en faut bien 2, vu qu'elle prend 2 bains par jour dans la Baltique, hiver comme été, glace pas glace. " Il se sent la cible de la Justice et de l'opinion : " En somme, la grande opération de la France, c'est de me faire crever au poteau, en taule ou de faim, le tout sous des torrents de calomnies, bien entendu… Tu sais, il y a une tradition. L'Histoire de la persécution des écrivains est une vieille histoire depuis Villon, à peu près tous. Pas un seul n'est jamais revenu se faire juger par ces tribunaux politiques de farces sadiques. Jamais. Donner l'occasion à Tixier d'engueuler les juges à travers mes os ? Jamais !… Ils me jouent tous du bigniou en ce moment pour que je revienne à Paris, m'avoir à leur portée. Alors ce cyclone de presse ! Il est là, l'Hitlerisme ! " Ses affaires de réédition piétinent : " Monnier [Pierre Monnier, qui veut se faire éditeur pour l'aider] ne m'a encore rien présenté de concret en fait de réédition. Les Denoël ont profité de cette publicité gratuite (100 communiqués à la Presse) pour fourguer plein de mes livres au marché noir. " Il veut se servir de la rumeur : " Laisse entendre partout que je vais certainement revenir me faire juger. Laisse entendre partout que je vais certainement revenir me faire juger. Laisse ces canailles me délivrer un Passeport ! Après on verra ! "

(Klarskovgaard) le 24 (novembre 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. et 4 lignes grand in-4. Il est renvoyé en cours de Justice ( L'instruction achevée, le réquisitoire du substitut Seltensperger ne retenait que des charges minces contre Céline et concluait que l'article 75, relatif à la haute trahison, ne le concernait pas. Mais, suite à une indiscrétion, dont la presse se fit l'écho, ce discours ne fut jamais prononcé ). : " Avec l'arrivée de Mayer, [René Mayer, garde des Sceaux] tout le château des Espoirs est écroulé. On a désaissi le Commissaire [Jean Seltensperger] qui avait conclu 1° au non lieu total 2° à la Chambre Civique. On a été chercher un buveur de sang ! [le procureur René Charrasse] Qu'est-ce-que c'est que ce Fouquier Tinville à la manque ! Couthon, sautez-moi sur ce dossier ! et que ça saigne !… On me défère en Cours de Justice... Il faut payer la propagande Bibici ! et son projet espagnol semble compromis Je vois que l'Antonio [Zuloaga] est un terrible radin. Mauvais, si j'allais en Espagne ! Redemander des sous à ce misérable ! Il faut être archi dégueulasse. Cela m'explique pourquoi il n'est jamais venu me voir ici.

(Klarskovgaard) le 27 (novembre 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Son éditeur, Charles Frémanger (qui fit reparaître Voyage au bout de la nuit en juin 1949) lui fait des difficultés : " Je te vois aux prises avec cette crapule Frémanger… On n'en tirera rien. Si tu pouvais lui racheter les compositions du Voyage, évidemment ce serait le mieux, le plus pratique. " Sa situation n'accuse aucun changement : " Oh je ne laisserai pas partir Lucette avant que ma prison ait été biffée officiellement avec papiers cachetés, pas en blablas ! On est toujours aux blablas. Rien de Naud, rien de Mik qui ne bouge plus, trop heureux de ne rien foutre ! Je ne sais plus rien de Monnier non plus qui doit avoir un mal extrême à tirer un rond des Amyot ! [la maison Amyot-Dumont avec laquelle Pierre Monnier veut s'associer pour créer les éditions Frédéric Chambriand et publier Céline] " Son ami Zuloaga craint peut-être de le voir arriver en Espagne mais indigne à vie, j'ai pas droit au Passeport. Il faudrait un ordre de route du 2e Bureau ou de la Légion Étrangère. C'est pas Charbonnière [Guy de Girard de Charbonnière, chef de la légation française au Danemark, qui veut le faire extrader] qui va m'aider ! Quant à venir me faire soi-disant blanchir devant encore une Cour de Justice. Salut ! Son séjour est infecte mais s'il revenait en France la petite bicoque isolée où on ne vous connaît pas ! C'est le truc à se faire liquider sec genre Stavinsky. Si je rentrais forcé en France je voudrais demeurer au-dessus d'un commissariat. Jamais plus isolé. Jamais. Dans l'œil de la Police que je voudrais être. " Il s'emporte contre l'Opinion publique locale " ! Tu causes ! L'Indignation des Résistants voisins… des mères, des violées d'Oradour… des enculés de Buchenwald… des gratinés d'Auschwitz ! Tout par moi ! "

(Klarskovgaard) le 13 (décembre 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 4 pp. grand in-4. Il lui demande de lui faire parvenir un paquet sous forme d'un cadeau de Jour de l'An pour sa femme Lucette avec un vaste papier genre carton "sur lequel tu peinturlucheras une fleur et en lettres rouges Bonne année 1950 à Lucette ! Cadeau pour elle. " L'approche de son procès le mine : " Oui, ils vont finir par me saquer en Cour. Les Socialistes d'ailleurs demandent qu'elles durent jusqu'en juillet. J'aime mieux l'article 83 que le 75, si l'on peut dire ! J'aimerais mieux surtout être fixé en terrain ferme et plus sur ce sable mouvant ! " mais il ajoute une petite note : " Il paraît qu'il y aura Amnistie pour les condamnés de 64 ans. J'ai encore 7 ans de bon ! donc ! Tu sais moi, je suis un petit optimiste. " Il se sent persécuté : " De même, qu'il n'est pas mort un seul palestinien de mort naturelle entre 39 et 49… qui ne soit de ma faute ! et bafoué. Tu as remarqué qu'aucun des journaux ne relate, détail pourtant qui a sa valeur, que je suis mutilé de guerre à 75 pour 100, engagé volontaire des 2 guerres, médaillé militaire, nov. 1914. Les canailles ! "

(Klarskovgaard) le 28 (décembre 1949). L.A.S. de ses initiales LFC. 4 pp. grand in-4. Il passe commande de corsages pour sa femme Lucette qui n'a plus rien à se mettre ! Il explique, de manière crue, l'acquittement de la maison Denoël (30 avril 1948) : " Tu sais que j'ai déjà été acquitté lors du Procès Denoël ! C'est une farce !… La mère Voiliers [Jeanne Loviton, dite Jean Voilier] suçait en très haut lieu ! Il y a une justice pour les bonnes brouteuses et une autre pour les têtes de lard ! Mais aucun de ces deux avocats français n'a pu, en temps utile, se faire communiquer la copie de ce jugement, ce qui altère son moral Je suis malade, archi malade, gâteux, merdeux, dégueulant, dégueulasse, couché, immobile, à la mort ! " En post-scriptum : " Le petit Monnier est emmerdé de ne pas avoir sorti assez de luxes " [Casse-pipe vient de paraître chez Chambriand].

(Klarskovgaard) le 12 (janvier 1950). L.A.S. de ses initiales LFC. 1 page et demie grand in-4. Une lettre lui est attribué à tord : " Le plus rigolo c'est que cette lettre à Mauriac n'est pas de moi mais de Paraz, qui lui-même en faisait un pastiche à la manière de Mauriac ! Ils ont trouvé que ma signature faisait mieux ! " Il cherche des appuis : " Ah si tu pouvais joindre Mondor [le professeur Henri Mondor] qui s'est déclaré très favorable à ma défense ! qu'il envoie un mot à Naud et à Drappier " [le président Drappier, juge du procès]

(Klarskovgaard) le 15 (janvier 1950). L.A.S. de ses initiales LF. 3 pp. grand in-4. ( Le journal Le Libertaire a ouvert ses colonnes dans le cadre d'une enquête "Que pensez-vous du procès Céline ?") : " Je vois que ça fumoche dans la Presse. Il faut lire le Libertaire du 13 janvier numéro 211. Il tonne, très bien. Certes, il compromet si l'on peut dire, mais je n'ai rien à perdre. De l'autre côté, que des vaches chichiteuses ou donneuses...mais les verdicts sont dictés par le Duc de Vendôme, Mayer de Montrouge [René Mayer, garde des Sceaux]. Il fera donner la presse à gage… La partie n'est pas égale tu penses ! " (Klarskovgaard) le 16 (janvier 1950).

L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. et demie grand in-4. Il accuse réception d'un paquet arrivé sans une douane et il attend la copie de son réquisitoire pour y répondre (avant l'audience de son procès, le 21 février 1950) : " Mais le bougre [son avocat Albert Naud] ne m'a pas encore envoyé ce putain de réquisitoire ! Ils doivent suer à la rédaction je te dis ! Enculer la mouche au vol c'est ardu ! Mais quand le Duc de Mayer Vendôme [René Mayer, garde des Sceaux] ordonne ! En tous cas, compte sur moi ! J'y répondrai, précis ! sec ! bref ! une ordonnance ! "

(Klarskovgaard) le 11 (mars 1950). L.A. S. de ses initiales LFC. 6 pp. grand in-4. Il accuse réception d'une merveilleuse sortie de bain puis critique son avocat danois : " J'attends le Jugement de Paris pour pouvoir mettre Mik au pied du mur qui est un damné fainéant, prétentieux, jean foutre, et qui est trop heureux de remettre à un mois, à un siècle, ce qu'il pourrait faire tout de suite pardi… Chercher un prétexte à ne rien foutre ! Au diable si mon affaire en pâtit ou en crève ! Mik nous a sauvé la vie, mais il est néanmoins l'égoïsme et le mensonge à la Nème dimension ! C'est atroce de naviguer avec un bobignol pareil ! " Il explique la démarche de ses avocats mais cela érode sa patience : " Il faut décupler de patience et de diplomatie, ne pas rater le dernier échelon ! Donc attendre que Naud parvienne à obtenir cette pièce des Français [la copie de son jugement] puis forcer Mik à obtenir la note danoise [attestation de son arrestation et de son emprisonnement au Danemark] puis attendre encore ! que Naud obtienne enfin de la Justice française l'équivalence. On aura alors fait durer notre épreuve au maximum. Quand on aura enfin obtenu cette pièce libératrice (ou semi-libératrice) alors on passera à l'acte suivant. Pas avant. Pourquoi faire ? " Il abandonne ce qu'il aurait pu obtenir de la part de Charles Frémanger : " Quant au Frémanger c'est cause perdue ! Canaille bien déterminée. Chercher d'en obtenir des livres ? les formes surtout ? qu'il ne me re-tire pas ! Je ne sais que penser ? Mais en tout cas s'en dégager à n'importe quel prix ! C'est une petite pourriture à éliminer absolument et définitivement ! C'est un super et sous-Denoël à la fois ! C'est trop ! " Il sait que tout n'est pas fini, ce qui le plonge dans un état de tension assez douloureux, "mais il ne faut pas encore nous dé-tendre. Oh pas du tout hélas. Il fa ut persévérer dans cet absolu du but… C'est atroce comme état, mais on a l'entraînement… On verra une fois le papier libérateur en fouille. C'est pas les idées qui manquent, ni l'expérience, nom de Dieu ! "

(Klarskovgaard) le 24 (mars 1950). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Suite à son jugement, la chancellerie marque le pas : " Mais je crois qu'avant de penser à revenir, il faut d'abord avoir la copie de mon Jugement. Chaque chose en son temps ! Et mon Dieu, au train où tout cela se hâte, ça pourrait être le Jugement Dernier ! Tu parles qu'on doit faire traîner les choses Place Vendôme ! par tous les moyens ! " Après quelques propos acides sur son éditeur " C'est un petit fou, fou mais crapule. Il est capable de tout." il parle de son travail d'écrivain : " Pour ma misérable part, je gratouille en bénédictin, tu sais moi je suis un styliste plus qu'autre chose. Ça paye jamais beaucoup le style. C'est de la petite invention genre Lépine : du bouton de col. Les petits inventeurs, leur avenir est la fosse commune. "

(Klarskovgaard) le 18 (avril 1950). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand in-4. L'idée d'aller en Espagne, c'est secondaire. L'urgence est ailleurs : " Ce qu'il faudrait, c'est d'abord la copie de mon jugement que doit obtenir Naud ! Ça semble la croix et la bannière ! Après remuer encore Mik qu'il obtienne le papier danois ! Et puis re-Naud ! Ah ils vont plus vite tous quand il s'agit d'un général qui livre des pièces secrètes à l'Ennemi ! " Il est malmené dans une revue : " As-tu lu le n°4 des Cahiers de la Résistance ! C'est une belle infamie et provocation à mon assassinat si je rentrais en France. Il donne un dossier à l'avocat de mon assassin. Il fournit toutes les pièces ! ! justificatives de mon assassinat. Vous pouvez tuer cet homme avec tranquillité… En vérité, pour moi un seul salut ! que mes assassins s'entrassassinent. " L'écriture lui est difficile : " Oh Féerie n'est pas fini du tout. Tu sais que je travaille très lentement. Je n'ai plus la force d'abord de travailler plus vite. Ces 10 dernières années m'ont crevé… Et toutes ces innombrables lettres m'ont pompé aussi." Le pessimisme le gagne " On vivote sans aucune illusion ni le moindre espoir. On veut faire de peine à personne, c'est tout ni aux bons amis, ni aux parents fidèles, ni à nos pauvres animaux. C'est tout l'horizon. "

(Klarskovgaard) le 21 (avril 1950). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Il met en garde son ami contre le caractère de Dedichen (collaborateur de Mikkelsen) : " C'est un grand emprunteur, flambeur, joueur. Il se doute que nous avons un petit pécule. Il voudrait bien taper dedans. Je n'en ai jamais parlé. N'en parle pas… Lui et Mik sont aussi joueurs, filous et roublards l'un que l'autre."

(Klarskovgaard) le 28 (avril 1950). P.A. non signée. 8 lignes grand in-4. : " Enfin… mais le problème du passeport reste entier Je viens à l'instant de recevoir la pièce ! de mon Jugement ! Je l'expédie à Mik qu'il obtienne la note de la Justice d'ici. On verra ensuite ce que Naud obtiendra… On verra aussi après ça pour l'Espagne… mais le fric hélas ! et le passeport ! "

(Klarskovgaard) le 2 (mai 1950) L.A.S. de ses in.itiales LFC. 2 pp. grand in-4. Dans l'attente de son attestation de la part des autorités danoises, il critique de manière acerbe son avocat danois : " Je ne veux pas qu'elle [Lucette] parte avant une situation règlée. Hors la vache de Mik lambine, louvoye, sabote plus ou moins, ne va pas du tout à la Justice d'ici demander le papier !… Quelles raisons ? Je sais pas. Paresse ? Vanité ? Despotisme ? une ordure mais faut avaler. Glousser. On est esclave de ce jambonneau. " Il est de nouveau édité (par les éditions Frédéric Chambriand) "Il y a là un petit coup commercial que je ne comptes guère ". Son hypothétique séjour en Espagne est réduit à néant : " Oh Antonio [Zuloaga], c'est la débinette. Retraite sur des positions longtemps préparées d'avance.

(Klarskovgaard) le 10 (mai 1950). L.A.S. LFCeline. 2 pp. grand in-4. Il se sent la victime d'une persécution : " Oui, c'est très moche. C'est la persécution minutieuse. C'est moi l'indigne à vie, on m'enleve ma médaille militaire, ma pension de mutilé et c'est Ganga Drouf et Bernard Lecuche, bulgares, qui me jugent et me promettent l'assassinat si je rentre chez moi. Rien ne manque. Je ne parle pas des autres scélératesses, vols, saisies, toute cette ignoble bouffonnerie. Puisque les Français permettent qu'on me traite ainsi, ils sont mûrs pour la Sibérie." Il est question que son ami vienne le voir " Tu as raison de venir seul nous voir qu'on cause. Par l'autobus. En juin, si tu veux bien. Il fait alors ici à peu près beau. On t'arrangera au mieux dans la chambre du premier, tu seras au sec. " Ses difficultés avec son éditeur demeurent : " Quelle honte de te voir obligé d'aller relancer ce sale petit escroc de Frémanger. " Son jugement étant rendu, sous la forme d'un conseil, il semble se féliciter de son attitude : " Le mieux, tu vois, c'est d'écrire toujours au Procureur Général, tout. Lui faire soi-même un rapport mensuel de ce qu'on fait, voit et pense. C'est moins bien fait par les voisins et connaissances. Ils inventent, fioriturent. C'est le seul vrai danger, plus l'assassinat bien sûr. "

(Klarskovgaard) le 15 (mai 1950). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Son ami pense lui rendre visite en mai. Il cherche à l'en dissuader : " Bien sûr, tu es toujours admirablement venu ! N'importe quand ! MAIS tu sais qu'il faut encore un sale temps de vache en MAI, ici ! On crève de froid humide !… Je crois que ça vaudrait mieux JUIN. "

(Klarskovgaard) le 18 (mai 1950). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Son ami a insisté pour venir : " Viens quand tu veux, bien sûr, quand tu peux. Ce que je disais, c'est pour le froid pour toi. C'est sinistre avec le froid. Si tu viens avec Naud, ça sera parfait aussi et tu reviendras ensuite seul. Tu pourras tacher de planquer un peu de couronnes danoises dans tes doublures, si tu veux. Dans les doublures et bagages, c'est le mieux. " Il évalue ses chances d'aller en Espagne et… de revenir en France : " Pour l'Espagne, certes, je suis preneur, mais comment y parvenir ? les revenus ? d'où ? Saisi comme je suis par tous les bouts !… Retourner en France ?… Ce serait pratique chez les parents de Lucette à Nice. " Il redoute l'opinion : " L'être le plus fumier de tous les fumiers, c'est le Populo, banal, ordinaire L'opinion publique. Tu vois une campagne de presse des youtres et cocos ? "

(Klarskovgaard) le 22 (mai 1950). L.A.S. de ses initiales LFC et Lucette. 3 pp. grand in-4. (Le 13 mai, Mikkelsen, son défenseur danois, a enfin obtenu, de la part du ministère danois de la Justice, l'attestion d'incarcération de son client) : " Naud, à présent, a le papier danois qu'il réclamait. À lui de se démerder (s'il se peut) avec les sino-palestiniens du Parquet Parisien ! (très entre nous) [il s'agit de faire reconnaître que la peine de prison infligée à Céline a été effectuée au Danemark, et de lever le mandat d'arrêt contre lui] " Ensuite, il doit venir me voir ici, illico presto, qu'on discute vachement l'actif et l'avenir. L'avenir, la merde ! L'Espagne serait une étape avant le retour en France. Il serait préférable que je fasse un petit stage préparatoire en Espagne avant de rentrer dans ma chère Patrie, vachement occupée ma chère Patrie, par de drôles de Sino-palestiniens coriaces en diable ! mais bouffer là-bas ? et crècher ? J'ai reçu un mot de Joulou [Antonio Zuloaga] du Canada qui ne veut rien dire. Il a l'art de pas comprendre etc. Il faudrait avoir assuré à S. Sébastien une petite crèche et un studio pour Lucette travaille 4 heures par jour et 20 000 francs par mois et ce, pendant au moins 2 ans. Voilà noir sur blanc le problème… Enfin et surtout, le passeport pour moi pour m'y rendre. "

(Copenhague) le Jeudi 25 (juin 1950). L.A.S. de ses initiales LFC. 4 pp. grand in-4. (À la fin du mois de mai, le couple partit rapidement à Copenhague où Lucette se fit opérer d'urgence d'un fibrome. Ils ne regagneront Klarskovgaard qu'en juillet. Pendant la convalescence de sa femme, Céline vécut dans un cagibi de l'appartement de Mikkelsen) L'état de santé de sa femme le préoccupe et l'entourage médical le déçoit : " Lucette n'a plus de fièvre mais elle souffre encore beaucoup. Les soins post opératoires ici ne sont pas ce qu'ils devraient être. Les infirmières pas assez nombreuses et exaspérées de fatigue, comme à Paris, comme partout. C'est un atroce moment à passer. Les médecins ne sont pas non plus assez subtils, cliniques, très inférieurs aux nôtres. Certes excellents opérateurs, dans le cas c'est l'essentiel. Lucette se lève à présent, va aux lavabos etc. mais avec beaucoup de douleurs." Le livre de son ami Albert Paraz, Valsez, saucisses, vient de paraître : " Oui, je suis au courant du livre de Paraz Saucisses qui contient mes lettres. Aucune importance. Tout cela est archi châtré, édulcoré, censuré par moi… Ne peut faire aucun mal. Paraz a été très courageux. Je voudrais qu'il vende un peu grâce à ces bafouillages. Il a décliné une offre des éditions de la NRF mais veut garder Pierre Monnier comme interlocuteur privilégié. Monnier est à conserver de toutes manières, soit avec Flammarion, soit avec combinaison actuelle " [les éditions Chambriand].

(Klarskovgaard) le 8 (juillet 1950). L.A.S. de ses initiales LFC. 2 pp. grand in-4. Il attend de l'argent : " Quand j'aurai l'adresse de Lochen [le pasteur François Löchen], je lui écrirai qu'en remontant il passe chez toi prendre encore 100 sacs… et donc 3 000 couronnes à me donner à son retour ici." La santé de sa femme s'améliore : " Lucette va mieux… mais c'est encore une affaire de mois pour qu'elle reprenne toute son énergie. " Son avocat Albert Naud n'obtient rien des autorités françaises : " Tête de cochon de Police et de l'Intérieur et du Palestinien. Rien à foutre. Les éditions Chambriand tiennent le cap Oui, Monnier fait bien son possible et ce possible a été admirable.

Correspondance avec Jean-Gabriel Daragnès
Documents et Autographes autour de Céline.
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